Emmanuel Moreau, 35 ans, est un militant écologiste par conviction et filiation : gamin, il avait suivi sa mère quand elle menait le combat contre un projet de centrales nucléaires, au pays basque espagnol, puis lors de la première campagne nationale contre les pluies acides, qu’elle avait conçu et dirigé. Il est entré en politique à la suite de son engagement associatif estudiantin, ayant créé en 1990, à Paris Dauphine, une association d’étudiants handicapés qui a rejoint d’autres organisations spécialisées lors d’assises nationales : « La dynamique s’est essoufflée après la création des premières missions locales d’accueil des étudiants handicapés ». Emmanuel Moreau a conduit son association à intégrer le cadre général de la vie étudiante, faisant élire 6 handicapés sur les 70 étudiants élus à l’Université Paris Dauphine. Parallèlement, il adhère à la branche « jeunes » de Génération Écologie et participe à son secteur international : « J’appréciais cette formation, moins encadrée et bordée de traditions que les Jeunesses Communistes ». Il quitte Génération Écologie en 1994, participe en 1995 aux réunions anti-G7 et aux actions contre la réforme Juppé, puis rejoint les Verts en 1998 dans la mouvance de Noël Mamère.
Il dirige la commission handicap des Verts, parti dont le nouveau siège national ne lui est que partiellement accessible; dans l’attente prochaine d’un ascenseur, il ne peut se rendre qu’au rez-de-chaussée alors que les salles de réunion sont en sous-sol. Une maladie dégénérative de la moelle épinière a modifié son autonomie avec l’avancée en âge : entre deux béquilles de 13 à 18 ans, Emmanuel est assis depuis 1987, d’abord en fauteuil roulant manuel puis électrique depuis 8 ans. Son père, retraité, l’aide en permanence. « J’ai suivi des études supérieures pour travailler, je n’avais pas vocation à faire de la politique ». Malgré un CV impressionnant, Emmanuel Moreau n’a pas trouvé d’emploi : il se dirigeait vers l’enseignement et le secteur public, mais devait postuler à un concours deux années à l’avance du fait de son handicap moteur et de la dépendance qu’il génère : « L’image que j’ai du salariat relativise la plus-value collective apportée par l’entreprise privée, qui privilégie le productivisme tout en bénéficiant de subventions d’État. Il y a un vide démocratique dans notre pays, et je me suis investi en politique pour me rendre utile, donner un sens à un parcours de vie. J’ai accumulé une grande expérience durant mes années de militantisme étudiant, et appris à connaître les relais existants au sein des partis politiques ». C’est cette conception de la vie en société qui l’a amené à devenir l’un des « maîtres à penser » du Forum Social Européen qui s’est déroulé à Saint- Denis (Hauts-de-Seine) en novembre 2003 : il y a imposé de débattre du handicap.
Conseiller municipal d’opposition à Marly-le-Roi (Yvelines) depuis 2001, il figure en 11e place sur la liste départementale socialo-écologiste des Yvelines, éligible en cas de victoire au second tour (au moins 13 candidats seraient alors élus). Quand on lui demande quelles sont ses chances de vaincre dans un département qui vote majoritairement à droite, Emmanuel Moreau rappelle que la liste socialiste l’avait emporté en 98 avec 36% des voix: « J’ai été désigné par les militants lors d’un vote direct, sur le double profil du handicap et de l’appartenance aux Verts ». Il participe à la campagne avec ses moyens, privilégiant la réflexion et la rédaction de documents; il souhaite que le mandat d’un élu handicapé puisse être adapté à ses capacités fonctionnelles. S’il fait son entrée au Conseil Régional d’Ile de France le 28 mars 2004, cette adaptation lui sera plus que nécessaire tant l’accessibilité de ces bâtiments est perfectible.
Laurent Lejard, mars 2004.
PS : Emmanuel Moreau a effectivement été élu au Conseil Régional, mais il a été mis à l’écart 18 mois plus tard par son parti après avoir tenu une conférence de presse conjointe avec une élue régionale du Front National, ce qui brisait un tabou majeur. A l’époque, Les Verts avait renoncé à le traduire en conseil de discipline, « on ne va pas tirer sur une ambulance », avait finement expliqué un cadre de ce parti. Emmanuel Moreau n’a pas été réélu au conseil municipal de Marly-le-Roi en mars 2008, il est décédé le 7 septembre 2011.