La vie de Jean-Marie Houot a profondément changé alors qu’il avait 27 ans : un accident rend aveugle ce jeune Lorrain alors technico-commercial dans le domaine de la télévision. « J’ai d’abord suivi une rééducation en locomotricité et fait le deuil de la vue, j’ai réappris les gestes du quotidien au centre de Marly- le- Roi [78], acquis le braille, la dactylographie. Après cet apprentissage de quelques mois, j’ai voulu entreprendre une formation professionnelle; je me suis aperçu qu’il existait peu de débouchés professionnels offerts aux aveugles au début des années 70 ». Jean-Marie Houot s’oriente vers le métier de standardiste au sein du Crédit Lyonnais à Paris. Durant ces années franciliennes, il rencontre celle qui deviendra son épouse, Maryse, elle- même aveugle. Ensemble, ils s’établissent en Lorraine en 1989 et Jean- Marie entre à l’Assedic de Nancy. « Mon nouvel employeur m’a donné carte blanche pour identifier le matériel informatique et les logiciels nécessaires à mon travail. A l’époque, le système DOS nous facilitait la tâche, nous étions quasiment à égalité avec les voyants ». A l’approche du terme d’une carrière professionnelle qu’il estimait correcte mais « un peu rétrécie » du fait des conséquences professionnelles de sa cécité, Jean-Marie Houot s’est demandé à quoi il pourrait occuper sa retraite.
« J’ai voulu faire autre chose; je m’étais déjà beaucoup investi dans la vie associative, auprès des handicapés sociaux notamment. Je travaillais au sein d’Alma Lorraine, qui gère dans le département un service téléphonique d’écoute et de signalement des situations de maltraitance de personnes handicapées ou âgées. J’ai écris à Françoise Nicolas, Maire de ma ville Vandoeuvre les Nancy, pour lui exposer ma manière de voir les choses dans le domaine de la solidarité. Elle m’a rencontré, a apprécié ce que je lui disais et m’a proposé de la rejoindre sur la liste qu’elle présentait aux élections municipales de 2001. L’adjoint en charges personnes handicapées, Marc Saint-Denis, m’a également sollicité. Mais quand j’ai constaté que je figurais dans une position non éligible, j’ai estimé que ma candidature ne valait pas la peine ».
« Cela s’est arrangé, je me suis retrouvé à une place qui me permettait de ne pas être ‘l’handicapé de service’ et j’ai été élu. J’ai activement participé à la campagne électorale aux côtés de mes colistiers, avec la volonté de démystifier la cécité. Cela m’a obligé à faire preuve d’une grande qualité d’écoute, expliquer, mettre en avant l’être humain et non pas l’aveugle. Mes collègues ont apprécié, en me disant qu’il n’imaginaient pas qu’un handicapé puisse être avec eux dans la campagne, et qu’ils avaient appris beaucoup ».
ean-Marie Houot est conseiller municipal en charge de la solidarité, de la modernité et des associations de quartier. Il avoue plutôt une sensibilité sociale- démocrate proche de l’U.D.F et de la pensée de François Bayrou. Le conseil municipal est à majorité U.M.P, étiquette politique du Maire. Cet aspect politique n’est pas déterminant pour Jean- Marie Houot dans le cadre de la vie municipale; il estime toutefois qu’il lui faudrait entrer dans le jeu des partis s’il s’engageait vers un autre mandat local, au Conseil Général par exemple : « L’image compte beaucoup, je pense que le citoyen lambda estime qu’on est un peu court, la perception du handicap est encore marquée par le stigmate ». A 62 ans, Jean- Marie Houot s’interroge sur son engagement dans un deuxième mandat municipal : « Madame le Maire me l’a demandé, mais je ne sais pas, c’est très prenant, fatiguant. De toutes les façons, je continuerai à travailler dans le milieu associatif ».
Parmi ses activités, Jean-Marie Houot cite ses interventions à la Maison d’arrêt de Nancy: « Quand je me suis retrouvé aveugle et dans un univers fermé, j’ai cherché les possibilité d’en sortir; c’est ce que je m’efforce de montrer aux emprisonnés d’autres horizons, à travers la lecture et la connaissance, ouvrir des possibles pour leur réinsertion. Je suis marqué par l’idée du don et de la dette : le don, je l’ai reçu du milieu associatif qui a contribué à ma réinsertion sociale après ma cécité, la dette je la rembourse en oeuvrant auprès de ceux qui en ont besoin. Je suis pleinement citoyen en reconnaissant quelque chose de positif aux autres, en leur disant ‘mais oui, ça tu le peux’ ! ».
Laurent Lejard, octobre 2004.