C’est dès l’adolescence, grâce à sa famille, que Marc Vuilleumier s’est intéressé à la politique, « des gens de gauche, qui parlaient de Cuba, du Che Guevara, dans une mouvance révolutionnaire proche des mouvements communistes ». Et c’est donc tout naturellement au sein du Parti Ouvrier et Populaire (POP, équivalent suisse du Parti Communiste) que Marc Vuilleumier s’est engagé. Né « légalement » aveugle (1/10 de vision aux deux yeux) il a suivi une scolarité en milieu ordinaire : « Ç’a été le fait décisif de ma vie. Ma famille est originaire de Romandie, mais nous résidions à Berne, en territoire alémanique. L’école qui accueillait les enfants francophones était privée, alors que dans l’école publique, au lieu de suivre une scolarité normale, j’aurais passé mon temps à réaliser des paniers en osier »… Par la suite, Marc Vuilleumier est entré au lycée et a poursuivi des études supérieures dans le secteur social. Parmi ses fonctions, il a dirigé une maison gériatrique médicalisée. Tout en restant militant, menant le combat contre les privatisations, notamment celles de l’électricité, ou pour le respect du statut de la personne âgée et la valorisation du troisième âge. Il approuve le droit d’assister une personne en fin de vie et qui souhaite mettre fin à ses jours : « Je l’aurais permis dans mon établissement, même si cela suscite d’importants débats parmi les personnels, d’opinions, de philosophies, de croyances très diversifiées ».

Il estime difficile de faire la part du handicap dans son action politique : « Je ne me suis jamais perçu comme étant handicapé, je n’en parlais pas dans ma famille et ailleurs. J’estime plus intéressant de se réjouir de ce que l’on peut faire, de mettre en valeur ses potentialités. Même si je ne peux pas conduire et que je ne reconnais pas les gens dans la rue, ce qui crée des quiproquos ! ». Effectivement, sa déficience visuelle lui pose parfois quelques problèmes dans ses relations, dont il s’efforce de sortir par la complicité, l’humour : « J’ai été président du Conseil Communal de Lausanne, et à ce titre je devais donner la parole aux uns et aux autres, compter des main levées lors des votes, ce que je ne pouvais pas faire. Alors je l’ai expliqué, et on m’a aidé. C’est vrai, je lis moins que les autres et moins vite. Mais je pense avoir d’autres qualités, dans les relations humaines, le contact à l’autre ».

A Lausanne, tous les feux tricolores sont équipés d’un système sonore à télécommande, les numéros des véhicules et des lignes de transports collectifs sont en grands caractères. « On ne peut pas tout centrer autour du handicap mais il faut veiller à laisser tout le monde sur le pont du bateau ». Depuis quelques mois, il siège au Conseil Exécutif de la ville, qui comte sept élus chargés de mettre en application les décisions du Conseil Communal. Marc Vuilleumier a la responsabilité de la police et des sports (le siège du Comité International Olympique est à Lausanne). « La police m’a été dévolue parce que personne n’en voulait et que je représente un petit parti ! Je défends le déploiement d’une police de proximité, composée d’hommes qui connaissent la ville, ses habitants, pour développer une politique de partenariat, par exemple avec les établissements de nuit ». L’élu réfléchit également au recrutement de personnes handicapées dans la police administrative.

Arrivé à l’âge charnière de 55 ans, Marc Vuilleumier affirme ne pas avoir d’ambitions politiques particulières et n’avoir jamais « programmé » sa carrière. Il porte un regard lucide sur l’évolution politique de la Suisse : « Selon les personnes et les conjonctures, il y a une montée du conservatisme qui peut prendre des voix à l’extrême gauche, parmi l’électorat populaire. La Suisse est gouvernée par quatre partis très divers : le Parti Socialiste, l’U.D.C [ancien parti agraire très à droite] le P.D.C démocrate-chrétien, et le P.R.D radical. Mais le pays demeure à droite : pour être de gauche, il faut savoir être dynamique; la révolution n’est pas pour demain ».

Laurent Lejard, novembre 2006.

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