C’est l’activité sportive qui a fait connaître Stéphane Bonvallet, 25 ans, habitant de Condrieu (Rhône), mais ce sont les soubresauts internes à la Commission handicap du parti écologiste Les Verts qui l’ont conduit à répondre à nos questions; il était, il y a quelques semaines, cosignataires d’un appel à plus de démocratie et de transparence dans le fonctionnement de cette commission nationale : « Quand je suis entré en politique il y a cinq ans, explique-t-il, c’était la seule commission handicap qui se bougeait : autonome et rattachée ni à la santé ni aux affaires sociales ».
Stéphane Bonvallet estime que les personnes handicapées sont « naturellement » proches de l’écologie et de la notion de décroissance : « Elles ne consomment que ce qu’elles peuvent consommer. La personne handicapée est dépendante à la base, et sensible à l’aide qu’on peut lui apporter. Elle semble plus à l’aise chez nous, où le tutoiement et l’entraide sont de rigueur, une camaraderie proche de celle que l’on trouvait chez les communistes. Par exemple, on donne volontiers un coup de main pour du baby-sitting ou du paterning. On ne retrouve pas ça ailleurs. Malheureusement, il y a des problèmes internes, on va s’en sortir de manière démocratique par une décentralisation : une quinzaine de régions élaborent leur propre programme d’actions handicap. On a travaillé ensemble au moyen d’un groupe de discussion pour réaliser ce brainstorming national ». Divers thèmes ont occupé les militants, dont la revalorisation des ressources, l’accessibilité aux transports, la discrimination, l’implication des personnes handicapées au sein des Verts : « On va réaliser une synthèse des contributions régionales et on envisage, lors des prochaines élections, de privilégier la candidature de personnes handicapées au cas par cas. Parce que le petit nombre de militants handicapés nous pose problème ». Stéphane Bonvallet constate qu’aucune personne handicapée ne s’estime capable de conduire une liste aux prochaines élections municipales.
Comme de nombreux militants politiques, Stéphane Bonvallet a d’abord agi au sein d’associations. Il estime que son action politique est plus productive, parce que nettement moins orientée vers la recherche de ressources financières qui occupe 90 % du temps des bénévoles associatifs et épuise, selon lui, les bonnes volontés. « Alors que dans un parti politique, on peut être dans le travail concret à 90 % de son temps ».
À la différence de la plupart des infirmes moteurs cérébraux, Stéphane Bonvallet n’a aucune altération de la parole. Chez lui, il se déplace debout; à l’extérieur, il privilégie le fauteuil manuel ou électrique. Il s’est consacré au cyclisme faute de trouver un emploi après avoir suivi les cours d’une école d’infographie. En tricycle catégorie I.M.C, il a remporté quatre titres de champion de France, quatre championnats d’Europe et cinq titres mondiaux. « 99 % des compétitions ont maintenant lieu parmi les cyclistes valides, ce qui gêne un peu la fédération handisport ».
Stéphane a suivi une formation en « master préparation mentale et hypnose », puis s’est lancé dans la fabrication de tricycles dont il affirme disposer d’un carnet de commandes bien garni pour les cinq années qui viennent. Il a également développé une qualification en « handicapologie » et réalise conseils et audits. « Au sein du Conseil Régional Rhône-Alpes, on a créé une commission handicap qui est un réservoir de connaissances, de ressources et de savoir-faire. Elle constitue une quasi direction aux personnes handicapées : on effectue une évaluation des aménagements dans des gares, des équipements sportifs, etc ». Actuellement, il étudie avec la ville de Lyon la possibilité de proposer aux personnes handicapées des tricycles en location selon le principe Vélo’V qui a connu un très grand succès dans la Capitale des Gaules avant que Paris ne s’en empare sous le nom de Vélib’.
« Ma notion de l’écologie est radicale, précise-t-il; basée sur le respect de l’être humain : je suis partisan de la décroissance et de l’autosuffisance ». Une autarcie assouplie, en quelque sorte… Stéphane Bonvallet milite également pour la valorisation des compétences de chacun, s’oppose radicalement à l’énergie nucléaire, prône l’installation de piles à combustible ou photovoltaïques y compris dans les fauteuils roulants. Selon lui, un prototype de fauteuil roulant équipé d’une pile à hydrogène offrant 150 km d’autonomie est en cours d’expérimentation et pourrait déboucher sur un modèle destiné aux particuliers d’ici cinq ans. Mais le coût élevé de l’engin (30.000€) et l’impossibilité, pour des raisons de sécurité, de l’utiliser chez soi ou dans un bâtiment réduisent l’impact de cette innovation. « Le zéro voiture est possible, même pour les personnes handicapées », conclut toutefois cet écologiste pur et dur.
Laurent Lejard, novembre 2007.