Il aura fallu à Pascal Margerin deux tentatives pour être élu conseiller municipal. La première, à Argent-sur-Sauldre (Cher) en 2001, a été sanctionnée par un échec. La seconde, en mars 2008 à Blancafort (Cher), est une réussite complète : dans une commune de 1.100 habitants, il a été élu en seconde position sur une liste apolitique lors d’un scrutin municipal avec panachage. Et il sera élu maire par le conseil municipal, ses colistiers ayant décidé de lui confier cette responsabilité : « On s’est déclaré au dernier moment, mi-février, mais on s’était préparé depuis septembre dernier ». Des trois listes en compétition, la sienne a rallié la plupart des suffrages.
Amputé tibial à 16 ans, à la suite d’un accident de la moto dont il était le passager, il mène une vie active. Aujourd’hui âgé de 44 ans, il est chef de service et directeur adjoint d’un foyer d’accueil médicalisé dans la ville voisine d’Aubigny-sur-Nère; parmi ses loisirs, la chasse a sa préférence et il dispose pour cela des vastes forêts de Sologne, du moins celles qui ne sont pas réservées à l’usage exclusif des grands bourgeois parisiens qui ont colonisé ce terroir…
« Je travaille dans le milieu associatif, c’est de là que m’est venu le goût de l’engagement, pour participer activement à la vie de la commune ». Pascal Margerin veut combler des lacunes locales qui ont, à ses yeux, entraîné un déclin de Blancafort, un bourg qui a connu son heure de gloire lorsqu’il fut désigné « centre géographique de la zone euro » lors de sa création en 1999 : absence de garderie pour les enfants, de terrains constructibles, ce qui n’attire pas de nouveaux habitants alors que les communes alentour sont plus dynamiques. Il redoute un endormissement de son village qui dispose pourtant de quelques atouts : un important abattoir de volailles du groupe industriel Doux qui emploie ici 250 personnes, une usine de pâte feuilletée réputée (François), un musée de la sorcellerie qui communique beaucoup sur ce qui fut dans les siècles passés une spécialité berrichonne.
« Si on ne propose pas un minimum de services aux habitants, on risque de disparaître. Je ne pense pas que mon handicap ait pesé dans mon engagement politique, il ne se voit pas sauf parfois quand je boite, surtout quand je suis fatigué. Je ne cache pas mon handicap, j’en parle quand on m’interroge. Avant l’accident, j’ai été très sportif ; maintenant, je peux encore faire du vélo, je joue au foot avec mon fils. Lors de la campagne électorale, beaucoup de gens m’ont interrogé sur le handicap, parce que l’agence postale et les deux commerces qui restent à Blancafort ne sont pas accessibles, qu’il n’y a pas de stationnement réservé. J’ai inscrit dans mon programme qu’il faudrait prévoir les aménagements nécessaires pour la voirie, les services publics, les commerces. On a la volonté d’améliorer la vie des personnes handicapées ou âgées. La précédente municipalité a projeté l’implantation d’une Maison d’accueil rurale pour une vingtaine de personnes âgées, il faut réaliser un potentiel d’activités accessibles pour elles. »
Pascal Margerin envisage également d’agir auprès de la communauté de communes pour qu’elle crée rapidement une commission d’accessibilité. Il se rappelle d’ailleurs avoir été sollicité il y a deux ans pour participer à la commission communale d’accessibilité de la ville voisine d’Aubigny-sur-Nère; depuis, il n’en a plus de nouvelles…
En 1990, il a vécu près d’un an au Québec, au moment où la province canadienne mettait en oeuvre sa loi « A part égale » : « Ce séjour a eu un impact sur mon engagement professionnel et citoyen. Il y avait un mouvement de désinstitutionnalisation, les établissements pour enfants fermaient, l’intégration était privilégiée ». Si ce mouvement d’ouverture sur la société n’a pas été accompagné des moyens suffisants pour permettre une vie correcte à domicile pour l’ensemble des personnes handicapées, il a néanmoins généré d’importantes améliorations.
Pascal Margerin en a tiré quelques enseignements professionnels, dans une approche de préparation à la vie en institution pour des enfants lourdement handicapés : « Les résidents du foyer que je dirige sont intégrés à la vie associative d’Aubigny-sur-Nère, ils participent aux animations locales ». Une approche intégrative qu’il a également appliquée à la composition de sa liste pour les élections municipales, en accueillant un homme d’origine asiatique qui lui a dit sa reconnaissance, « je me suis enfin senti chez moi ! ».
C’est le crédo Pascal Margerin : « Permettre à des gens différents de participer à la vie locale et construire tous ensemble ».
Laurent Lejard, mars 2008.