« La Ligue Communiste Révolutionnaire est morte, vive le Nouveau Parti Anticapitaliste ! », tel semblait être le credo des congressistes réunis durant le premier week-end gris et pluvieux de ce mois de février dans les discrètes salles d’un petit complexe d’exposition de La Plaine Saint-Denis, aux portes de Paris. Parmi ces congressistes, Frédéric Gilbert s’est particulièrement intéressé aux personnes handicapées, participant activement aux travaux de la commission handicap qui a rassemblé des militants de la Ligue et du nouveau parti pour élaborer des propositions avant même la création de la nouvelle entité.

Si Frédéric Gilbert, âgé de 39 ans, ne se définit pas comme étant une personne handicapée (bien qu’il vive au quotidien avec divers soucis physiques d’origine neurologique) c’est par son militantisme associatif et son activité professionnelle qu’il se sent concerné : « J’ai milité dans plusieurs associations, au contact des plus fragiles, comme dans les Restos du coeur, et je travaille à l’Association des Paralysés de France depuis 2001 ». Originaire de Haute-Marne, il a suivi des études en Sciences Politiques et de gestion à Grenoble, puis entamé un parcours professionnel qu’il qualifie de chaotique : « J’ai occupé des petits boulots, dirigé un centre social. J’ai vécu l’impact des difficultés d’emploi, en refusant d’entrer dans l’administration parce que je préfère le secteur associatif ».

Bien qu’il vote pour les candidats de la Ligue Communiste Révolutionnaire depuis 2002, Frédéric Gilbert n’a adhéré à ce parti qu’en 2007, en réaction à l’élection de Nicolas Sarkozy : « La commission handicap de la Ligue a été créée par quatre militants au lendemain de la manifestation du collectif Ni Pauvre Ni Soumis du 29 mars 2008. Maintenant, elle compte 50 membres au plan national. On ressentait un réel besoin d’aborder le handicap, mais mes camarades de la Ligne ne savaient pas comment, dans les campagnes pour les élections municipales par exemple. Dans la commission, il y a des agents de l’Education Nationale, des DDASS. On suit plusieurs secteurs, comme la réforme du secteur médico-social, l’éducation nationale, les mouvements de personnes handicapées et leur évolution. L’un de nos militants travaille en entreprise adaptée et nous sensibilise sur ce sujet ».

Mais il fallait encore convaincre les autres militants : « Au départ, ç’a été très dur au niveau de l’organisation. On avait des débats dans la commission mais l’ensemble des camarades ne s’en sont pas emparés, alors même qu’ils ont pris en compte les femmes, les travailleurs en situation irrégulière. Ils n’ont pas les éléments pour que l’on ait un réel débat de fond sur les problèmes actuels des personnes handicapées. Il y a eu des amendements de différents comités au sujet du handicap parce que, à un moment donné, il faut mettre le mot handicapé parce que ça fait bien ! La commission handicap a pour but de rompre avec cette logique et de proposer aux militants une réflexion spécifique : quelle place ont aujourd’hui les personnes handicapées dans la société ? Quelles sont les solutions du projet socialiste du NPA aux problèmes des personnes handicapées et comment les intègre-t-on ? Pourquoi ne pas créer un service public du handicap, doté de moyens financiers et humains, pour l’accessibilité généralisée ? Le handicap doit être un sujet politique ».

Frédéric Gilbert effectue une distinction nette entre l’action politique dont il est l’un des acteurs, et l’action associative : « Les associations ont une vision revendicative, à peu près les mêmes d’ailleurs : A.A.H, ressources. Est-ce que l’on doit réduire les personnes handicapées à cela ? Elles ne revendiquent pas pour de meilleures conditions de salaire et de travail dans les ESAT et les entreprises adaptées, parce qu’elles les gèrent et que cela remettrait en question leur manière de le faire. La loi de 2005 est une chose, mais dans la pratique, il y a encore des résistances pour embaucher en milieu ordinaire un travailleur du milieu protégé. On invoque les diplômes, la mobilité. L’organisation a compris qu’il fallait traiter les personnes en situation de handicap comme un sujet politique, pas de charité. Le problème posé, c’est se différencier des associations. Avec cette question fondamentale : est-ce que la société capitaliste dans lequel on vit peut permettre de satisfaire tous les besoins sociaux des personnes handicapées ? Actuellement, elle permet une insertion, aux conditions de la société. Et on peut boucher quelques fissures avec l’associatif. Alors que le projet que nous construisons au NPA est de satisfaire les besoins de tous ».

Ce qui a conduit la nouvelle formation à prendre ses distances avec ses fondamentaux (l’utilité par le travail, par exemple) et se placer en rupture avec une conception ouvriériste qui imprègne encore fortement les organisations d’extrême gauche : « L’ouverture du NPA à d’autres militants, à des libertaires, à des écologistes radicaux, permet de dépasser cette conception ouvriériste qui considère que l’on doit parler globalement de tous les travailleurs, mais pas spécifiquement des travailleurs handicapés » précise Frédéric Gilbert. Une conception radicale de l’égalité qui nie fondamentalement toute différence. « Au NPA, on dit que les travailleurs handicapés ont une spécificité qu’il faudra prendre en compte dans la construction de l’État socialiste que nous voulons. Il fait une place aux personnes handicapées au-delà de leur valeur travail. Pour cela, on a fait la critique de la bureaucratie soviétique. Nous voulons instaurer une démocratie réelle, pas bourgeoise, et que tout le monde y ait sa place ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, février 2009.

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