Théâtre d’une farouche bataille gagnée par les républicains sur les royalistes en 1793, Cholet est depuis longtemps une cité tranquille. C’est dans cette ville industrielle de 50.000 habitants que Benoît Martin a été élu au Conseil Municipal, en mars 2008. Né à Séoul il y a 32 ans, il a été adopté à l’âge de six mois, alors que son infirmité motrice cérébrale n’avait pas encore été repérée. Mais cela n’aurait probablement pas changé grand-chose dans le choix de ses parents : le père était paraplégique, fondateur du club de basket en fauteuil roulant de Cholet, et le frère de Benoît est déficient intellectuel. « Mes parents se sont doutés de mon infirmité motrice cérébrale dès le retour en France. Ils m’ont élevé tel que j’étais, sans faire procéder à des interventions chirurgicales, avec des séances de psychomotricité et d’orthophonie. Mon père disait que ce n’était pas grave. » Aujourd’hui, Benoît Martin mixe la marche et le fauteuil roulant, selon les distances à parcourir, et a une élocution proche de la normale, avec une sensibilité particulière pour l’accessibilité : « Compte tenu du contexte familial, on apprend à vivre dans une maison de plain-pied avec des portes coulissantes. Mon père avait fondé Cholet Handisport, j’ai pratiqué le basket en fauteuil roulant. »

Benoît Martin a grandi à une vingtaine de kilomètres de Cholet, à Mauléon dans les Deux-Sèvres. S’il a suivi une scolarité ordinaire, cela n’a pas été de tout repos :  » J’ai été refusé par plusieurs écoles et lycées, ma scolarité a été le combat de la mère. Il paraît que les enfants avaient peur de moi ! » Ce sont ses bons résultats scolaires qui ont aidé son intégration estime-t-il, il n’y avait pas alors la prise de conscience et le handicap faisait peur, même à l’université. C’est d’ailleurs à la faculté de droit d’Angers (Maine-et-Loire) qu’il a rencontré pour la première fois l’actuel maire C.N.I (Centre National des Indépendants et Paysans) de Cholet, Gilles Bourdouleix, qui était chargé de cours. Ces études ont conduit Benoît Martin à obtenir un D.E.A de droit public territorial, puis réussir le concours d’attaché territorial en 2003, pour obtenir un poste à Mauléon tout en s’installant à Cholet, « la grande ville » comme il la définit. Forcément, il y a rencontré Gilles Bourdouleix : « Il m’a interrogé sur l’accessibilité et l’intégration, une démarche s’est engagée, il m’a proposé de travailler dessus. » Et c’est ainsi que Benoît Martin s’est retrouvé candidat aux élections municipales, élu et délégué à l’accessibilité : « Soit on dit non et on n’a plus qu’à se taire, soit on y va. Je n’avais pas d’appartenance politique, mais des opinions : mes parents sont catholiques de centre-droit. » Depuis son élection en mars 2010, il a toutefois pris sa carte au C.N.I.

« La campagne électorale a été fatigante, mais intéressante. Je n’ai pas fait de porte à porte, un peu de présence sur les marchés, j’ai participé aux meetings mais sans prendre la parole. » Depuis, il a appris progressivement à parler en public : « C’était exactement la personne qu’il fallait, commente Colette Lallemand, adjointe à l’égalité des chances et à la citoyenneté. Il sent les choses de l’intérieur, et a le sens de l’humour. Ce qui est important, c’est d’agir, de faire quelque chose. »

« J’ai conscience d’être handicapé, reprend Benoît Martin, mais je suis aussi observateur et je voulais être délégué sur un sujet que je connais. Et je ne suis pas épargné. Pour moi, la politique n’est pas une fin en soi, mais une volonté de partager, de faire entendre ma voix. »

Une manière également de dire qu’il a, en politique, une marge de progression. « Ma famille était pour mon engagement. Mes amis aussi, mais sans comprendre la démarche citoyenne, sauf une amie socialiste. Pour moi, le handicap n’est pas forcément de droite ou de gauche. » À son actif, la réédition du guide d’accueil des personnes handicapées à Cholet, la rénovation du forum des loisirs et des vacances, l’accueil d’enfants dans les structures de loisirs. Il veut également travailler sur la problématique des personnes handicapées vieillissantes : « On avance à petits pas, et il y a un travail qui se fait. Ma principale ambition est de faire de la politique citoyenne, être utile, montrer ce que les personnes handicapées sont capables de faire. Pas de faire carrière, mais banaliser le handicap. Je me battrai jusqu’au bout pour montrer ma valeur. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, avril 2011.

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