Au sud du périphérique de Caen (Calvados), la commune de Saint-Martin-de-Fontenay est habitée par 2.400 habitants. Des années 1950 jusqu’en 1972, elle faisait partie d’un bassin minier de minerai de fer qui employait dans la région une trentaine de milliers de travailleurs. Aujourd’hui, le bourg de Saint-Martin compte une école primaire, un collège, partage l’école maternelle avec la commune voisine de May-sur-Orne. Actuellement, le conseil municipal comporte, compte tenu de quelques démissions depuis l’élection de 2008, une dizaine d’élus.

Dont Pascal Esnault, 52 ans, devenu tétraplégique en 1998 à la suite d’une chute en VTT entraînant une fracture des vertèbres cervicales. S’il conserve une mobilité des bras, les opérations chirurgicales destinées à améliorer celle des mains ont donné peu de résultats. Surveillant pénitentiaire, il a été mis à la retraite quelques années après, une solution qu’une mauvaise information lui a fait préférer à une poursuite d’activité dans les services administratifs, et qu’il a depuis regretté : « Dès qu’on ne travaille plus, on est déconnecté de la vie. Quand vous discutez avec vos collègues qui viennent vous voir, vous vous apercevez que vous êtes sur la touche. Depuis que je suis devenu conseiller municipal, et que j’ai des activités au sein de l’Association des Paralysés de France, tout va bien. »

Bien qu’il y ait obtenu un permis de conduire adapté, Pascal Esnault n’a pas eu les moyens d’acquérir un véhicule aménagé, qui représente 120.000€ au total. « Ce n’était pas une priorité. J’ai préféré faire construire ma maison adaptée, pour mon épouse et mes enfants. J’ai quand même la chance d’avoir accès aux bus adaptés mis en place par le département y a un an et demi, en appelant la veille pour réserver le transport du lendemain. Mais ils ont tellement de succès que le service arrive vite à saturation, maintenant il faut s’y prendre une semaine à l’avance. C’est formidable quand ça fonctionne bien, cela me permet d’assister à des commissions de l’APF, ou quand j’en ai besoin pour la commune. » Auparavant, Pascal Esnault n’hésitait pas à faire jusqu’à 10 km en fauteuil roulant quand il avait besoin de sortir.

En tant que conseiller municipal, il siège au sein des commissions école primaire, environnement et travaux, au conseil d’administration du collège et au syndicat d’assainissement. « J’ai été candidat à l’élection municipale de 2008 parce que j’avais un peu embêté le Maire pour avoir des bateaux au niveau des trottoirs. L’accessibilité locale ne me plaisait pas du tout; elle ne me plait toujours pas, parce que les travaux ne sont pas finis. Alors le Maire m’a demandé de participer à son équipe municipale : ça ne m’a pas tellement emballé et j’y suis allé sans vraiment savoir ce que j’y ferais. Mais bon, c’est pas mal, c’est intéressant quand même de savoir qui fait quoi dans une commune… Je réponds parfois à des questions de diverses personnes sur la commune. Je suis content de travailler pour l’intérêt général. » Et d’estimer que les communes devraient être gérées sans étiquette politique, dans l’intérêt de tout le monde.

Militant au sein de l’APF, il est membre du conseil départemental du Calvados, s’occupe de l’accessibilité, des ressources et de la vie politique de la structure. Ponctuellement, Pascal Esnault participe à des actions de sensibilisation au handicap, par exemple lors de la dictée de l’association ELA : « J’ai eu affaire à des élèves de cinquième. Les questions qu’ils m’ont posé étaient intéressantes. » Il s’associe également à des actions de collecte de bouchons destinés à financer des matériels pour des personnes handicapées.

De son expérience de conseiller municipal, il tire quelques enseignements par rapport à sa perception antérieure de la gestion communale : « Ce qui a évolué dans mon esprit, c’est qu’entre la demande de faire des travaux sur une voirie et leur réalisation, il se passe deux à trois ans. On s’aperçoit qu’il faut que ce soit réfléchi, voté au budget, savoir si on ne va pas faire autre chose dans cette rue-là. Je me suis aperçu que la gestion d’une mairie c’était beaucoup de tracasseries administratives, bureaucratiques. J’ai appris qu’être conseiller municipal cela ne s’improvise pas : il faut être bon, même dans une commune de 2.400 habitants, il faut être au courant de beaucoup de lois. Il faut un maire visionnaire pour qu’une commune se développe, tous les paramètres ne sont pas faciles à prendre en compte. En plus, avec la crise on ne fait pas vraiment ce qu’on veut. Les budgets commencent à se restreindre, le Gouvernement ne suit plus trop les communes, les régions, cela commence à poser des problèmes. J’ai appris à être patient, à travailler dans l’intérêt général : il faut faire très attention à ce qu’on utilise de l’argent public, à ne pas faire n’importe quoi avec le budget dont on dispose. »

Pascal Esnault s’interroge néanmoins sur sa motivation à effectuer un second mandat en se représentant aux élections de 2014 : « Je me pose encore la question. Le souci, c’est que dans une commune, entre ce que l’on a envie de faire, de dire, et ce qui est réalisé au final, parfois on est un peu dérouté. J’ai l’impression quelquefois de ne pas être entendu, cela m’agace. Mais comme je ne lâche jamais le morceau, j’arrive à mes fins. » Il attend, pour se déterminer sur une nouvelle candidature, d’avoir une discussion avec le maire. En gardant comme ligne directrice sa volonté de servir l’intérêt général.

Propos recueillis par Laurent Lejard, avril 2013.

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