Dans le cadre du processus devant conduire au renouvellement de l’Assemblée Nationale au Togo, les élections législatives se sont tenues le 25 juillet 2013 et tous les partis politiques qui aspirent à gouverner ont investi leurs candidats pour ces élections. Au nombre de ces formations politiques figure l’Union pour la République (UNIR), parti au pouvoir qui a innové en comptant dans les rangs de ses futurs représentants à l’hémicycle un non-voyant, Jérémy Yao Vidja, présenté dans la première circonscription d’Amou, localité située à 185 km de la capitale Lomé, dans la région des plateaux.

Pour mieux le connaitre, nous sommes allés à sa rencontre dans son Amou natal où il était en pleine campagne électorale. Né aveugle en 1980 à Atakpamé, une ville située à 160 km au nord de Lomé, Jérémy Yao Vidja a fait ses études primaires au centre des aveugles de Kpalimé (120 km au nord-ouest de Lomé). Après son Certificat de fin d’études de l’enseignement du premier degré (CEPD), il a été intégré au Collège d’Enseignement Général d’Application avec les enfants valides, jusqu’à l’obtention de son BEPC. Un Collège particulier puisque les enseignants étaient élèves à l’École Normale Supérieure (ENS), et appliquaient dans ce CEG ce qu’ils venaient d’apprendre. Le cursus scolaire de Jérémy Yao Vidja l’a amené jusqu’à la faculté de Droit de l’Université de Lomé, après un baccalauréat littéraire. Suite à un concours, il est entré dans une école privée qui forme en sciences juridiques et politiques. Célibataire, il est actuellement enseignant-formateur en braille à l’École Nationale de Formation Sociale (ENFS).

Un militant précoce.

Jérémy Yao Vidja s’est intéressé dès l’adolescence aux débats politiques et sociaux, une passion qui l’a conduit à adhérer au Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), parti auquel a succédé en avril 2012 la formation dans laquelle il milite : UNIR. Jérémy Yao Vidja a été dans sa région l’un des artisans de la réélection du président Faure Essozimna Gnassingbé aux élections présidentielles de 2010. Ainsi, avec les nouveaux idéaux que prône l’UNIR (à savoir rassembler et unir toutes les compétences sans division et discrimination) la candidature de Jérémy Yao Vidja a été proposée par l’association Visions Solidaires, qu’il a cofondée, aux premiers responsables du parti qui l’ont accueillie favorablement.Pour ces législatives, ils étaient trois candidats à défendre la liste UNIR dans l’Amou, circonscription qui dispose de trois sièges à pourvoir pour l’hémicycle : Gabriel Ihou (tête de liste), Yaovi Osseyi et Jérémy Yao Vidja. Un choix politique que ce dernier a expliqué à la population durant toute la campagne électorale qu’il a eu à mener au porte à porte avec les autres candidats : « Je voudrais que la politique que je ferai soit une politique sociale, cela veut dire que nous avons constaté un certain nombre de manquements dans le quotidien de nos concitoyens et je prends comme exemple les zones rurales où il n’y a pratiquement pas de soutien à l’endroit de la jeunesse, de la femme, et des enfants scolarisables. Également du coté des personnes handicapées, il n’y a pas vraiment de structures adéquates capables de les prendre en charge d’une manière ou d’une autre ou bien de les aider à s’auto-suffire. Tout simplement parce que cela n’a pas été précédemment muri, ou parce que même si ces structures sont créées, elles ne sont l’ombre que d’elles-mêmes, ce qui paralyse davantage le coté développement des personnes handicapées. Ce sont ces deux grands axes qui m’ont obligé à entrer en politique et passer par la politique pour faire le social. » Tel est le propos de Jérémy Yao Vidja aux électeurs qui ont une admiration pour sa personne et son programme. D’autres que nous avons rencontrés ont laissé entendre ceci : « Quand une personne handicapée dit ‘je te ferai ceci ou j’aiderai à faire ceci’, sachez qu’elle a pris appui sur quelque chose… »

Jérémie Yao Vidja en campagne

Avec tous ces compliments, Jérémy Yao Vidja se dit très heureux d’être une personne handicapée et sa candidature constitue un défi aux personnes en situation de handicap, afin de briser les mythes qui tournent autour d’elles et qui débouchent sur de la mendicité dans beaucoup de pays africains. Élu député (UNIR a remporté 62 des 91 sièges), il compte axer son plaidoyer sur deux actions principales : le développement des zones rurales et les droits des personnes handicapées : « Un député à l’Assemblée Nationale n’est pas forcement celui qui vote les lois, il faut qu’il essaye par ses relations de canaliser des plus-values vers sa zone électorale. Nous sommes dans une zone un peu moins développée, le Togo est un pays qui sort difficilement des difficultés économiques et financières que nous avons héritées depuis les années 1990, et je pense qu’il vaut mieux qu’un député, au lieu de s’atteler seulement à l’adoption des textes, pense plutôt à la particularité de son pays. Ce n’est pas comme dans les pays occidentaux où on vous dit le député légifère, point barre. »

Jérémy Yao Vidja envisage également de créer un site internet de valorisation de sa zone pour attirer les investisseurs « parce que lorsque nous aurons des unités de transformation de nos produits locaux, je pense que cela permettra à nos jeunes de trouver des boulots et de cesser de déferler sur les grandes villes comme Lomé par exemple, et constituer peut être une insécurité pour les Loméens et pour les activités. » Au niveau handicap, une fois au Parlement, Jérémy Yao Vidja entend plaider pour que les textes et les décrets d’application soient pris pour que la Convention de l’Organisation des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par le Togo en 2011, puisse être effectivement appliquée.

Ali Assoumaila, juillet 2013.

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