Il faut un sacré courage pour se lancer dans la création d’un parti politique; visiblement Latifa Gilliotte n’en manque pas. Il faut dire qu’elle a déjà une bonne expérience de la politique, acquise depuis son entrée en mars 2008 au Conseil Municipal de Belfort. « J’ai été élue au titre de la société civile, puis j’ai intégré le Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement, et ensuite le Parti Socialiste. » Handicapée motrice du fait d’une polyarthrite chronique, elle est mariée, mère de deux filles et exerce en cabinet en tant que psychologue psychanalyste. Pendant son premier mandat, elle siégeait au sein de la majorité municipale, dont l’action ne l’a pourtant pas complètement satisfaite notamment pour ce qui concerne les transports : « Je suis en colère contre le prix plus élevé des trajets effectués avec le service de transport spécialisé. À Belfort, tous les bus sont aménagés et les chauffeurs formés au handicap. » Elle s’est représentée aux élections municipales de mars 2014, toujours sous l’étiquette du Parti Socialiste qui a perdu la majorité et qu’elle a finalement quitté avant les élections départementales de mars 2015. « J’ai écris une lettre à Manuel Valls au sujet de la réforme de l’accessibilité. On savait très bien que la loi de février 2005, telle qu’elle était présentée, allait à l’échec. En France, on nous a vendu du rêve. Et maintenant, on retire, on arrange. »

Ce qui lui a donné envie d’agir directement, en fondant un parti politique sensible aux handicaps. « Je voulais créer un collectif, mais la préfecture m’a précisé qu’il ne pourrait pas présenter de candidat aux élections, alors on s’est déclaré sous la forme d’une association. Je ne connaissais pas le statut juridique des partis politiques. On doit être vigilant sur le caractère militant, avoir une gestion soignée. La mécanique politique n’est pas un joujou. Moi, j’ai eu une formation de terrain. » C’est désormais dans ce cadre que s’inscrit le Mouvement du Handicap Physique et Social (MHPS) qui commence à s’organiser. « Le mouvement se réunira le 18 juin prochain pour décider ce qu’il fera lors des élections régionales de décembre 2015. On n’a pas voulu créer un parti politique pour les handicapés, mais un parti qui compte aussi des personnes handicapées. On a envie de partir fort. »

Le MHPS devrait révéler son programme à la rentrée de septembre, son action devant également couvrir le handicap social. Pour l’élaborer, le mouvement s’appuie sur son site Web et ses membres, mais pas sur l’expérience de feu le Collectif des Démocrates Handicapés (CDH) qui a définitivement sombré l’an dernier après sa transformation en 2012 en parti politique dénommé In’Citu. Latifa Gilliotte tente actuellement d’entrer en contact avec d’anciens membres. « Le MHPS n’a pas d’étiquette, il regroupe des gens de droite comme de gauche. On est autonome, même au conseil municipal de Belfort. Le mouvement ne servira pas le Parti Socialiste. » Sa seule exclusive concerne les partis politiques qu’elle qualifie d’extrémistes; il faut insister pour qu’elle désigne le Front National auquel elle reproche d’avoir fait de la récupération en matière de handicap à l’occasion des élections départementales : « Est-ce que le Front National se soucie vraiment de nous ? »

Depuis l’annonce de la création du MHPS, Latifa Gilliotte a déjà essuyé quelques critiques, notamment au sujet du caractère politique du mouvement. « Je n’aime pas le conflit, j’apprécie qu’on parle. Je décroche quand quelqu’un cherche le conflit. Je trouve que c’est dommage, il faudrait s’unir. » Un vrai défi dans un monde du handicap qui compte une multitude d’organisations et d’innombrables querelles de chapelle. Trouvera-t-elle un allié sur place ? A Belfort, l’agent immobilier André Ricci a créé un service de diagnostic d’adaptation du logement et un portail d’information handicap : « Je n’ai pas de relation avec lui, je le connais comme agent immobilier. Il ne m’a pas contactée. » Qui fera le premier pas ?

Laurent Lejard, juin 2015.

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