Née à Nîmes (Gard) il y a 65 ans et Montpelliéraine depuis ses années d’étudiante, devenue handicapée motrice au point de se déplacer maintenant en fauteuil roulant électrique, Gabrielle Henry a obtenu en mars 2015 son premier mandat électoral : « En fait, on est venu me demander. Au début j’ai dit non, parce que ce n’était pas ce que j’avais envie de faire au départ. J’avais des convictions que j’essayais de traduire tous les jours dans la rencontre des gens, en les aidant, en traduisant concrètement leurs situations. Je n’avais pas de plan de carrière. La politique m’avait un peu tenté au niveau municipal, je me rappelle qu’on m’avait dit ‘on ne peut pas te prendre, tu es handicapée’, ça m’avait énormément vexée et j’avais abandonné ! » Elle a prudemment accepté d’être candidate aux élections départementales, craignant d’être utilisée simplement parce que les partis politiques avaient besoin de mobiliser de nombreuses femmes pour satisfaire au système du binôme, cette obligation nouvelle de présenter dans chaque canton une femme et un homme qui, une fois élus, siègent tous les deux. « J’ai demandé aux associations ce qu’elles en pensaient. On m’a répondu ‘c’est super, tu vas pouvoir nous représenter, pour faire avancer nos projets il faut que tu y ailles’. J’ai dit oui. » Très engagée dans le milieu associatif, elle l’était également politiquement : « J’avais des convictions politiques et je militais depuis 1995 au Parti Socialiste, et surtout associativement. J’ai présidé la FNATH de Montpellier, j’étais engagée dans toutes les commissions locales d’accessibilité de l’agglomération, dans celles du département et de la région, on a travaillé avec la SNCF. En réalité, j’oeuvrais surtout dans l’associatif. Pour la FNATH, je siégeais à la Commission des Droits et de l’Autonomie de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l’Hérault, j’effectuais des permanences dans lesquelles j’aidais des gens à remplir leur dossier. »

Depuis son élection, elle agit dans un Conseil Départemental dont la situation financière n’est pas dégradée malgré la baisse des dotations de l’Etat et des recettes fiscales : « Pour l’instant, on s’en sort bien même si effectivement le budget a été diminué. On peut faire face cette année. Néanmoins, on a essayé de faire 10% d’économies sur les dépenses de fonctionnement dans tous les services. Mais pas sur la solidarité, dont le budget a augmenté de 4,5%. Par chance dans le département il y a encore une majorité de gauche, parce que je le constate dans les débats de l’assemblée départementale, si on écoute les récriminations du Front National, par exemple, tout ce qui est aide sociale serait coupé. De même pour la culture. »

Elle travaille sur les dossiers logement, transport des collégiens handicapés, Tourisme et Handicap : « Nous conservons une grande part du service du tourisme, qui travaille sur la mission Tourisme et handicap, nous avons fait beaucoup de labellisations, notamment sur les plages accessibles à tous, les hébergements de vacances. Nous travaillons beaucoup sur l’accessibilité. » Parmi ses projets, la création d’un Observatoire départemental de l’accessibilité pour aider tous les élus de toutes les communes, même les plus petites, à réaliser une accessibilité complète : cheminements, voirie, bâtiments publics… Des efforts néanmoins contrecarrés par la politique d’un Gouvernement qui a fait adopter une législation de restriction de l’accessibilité et de report de plusieurs années de l’échéance légale : « Je n’ai pas été très contente des reports. En même temps, je le savais pertinemment, ne serait-ce que sur Montpellier où le changement de maire [en 2010, après la mort de Georges Frêche NDLR] avait entrainé un point mort de l’action de la commission d’accessibilité, de la voirie et même l’annulation de la création d’une nouvelle ligne de tramway. J’étais bien consciente du freinage de certains élus qui, au lieu de bloquer annuellement une part de budget pour réaliser de l’accessibilité, attendaient d’être mis au pied du mur pour dire ‘nous on peut pas’. » Pour combattre ces freins, elle envisage d’organiser une journée annuelle de sensibilisation en mettant des élus locaux en situation de handicap, sur fauteuil roulant : « On le fait déjà avec les enfants à l’école primaire et les collégiens, c’est très bien, c’est l’avenir. Mais il ne faut pas oublier les adultes, les parents qui donnent souvent le mauvais exemple, et les élus qui sont les décideurs. Ce sont eux que j’ai envie de mettre en situation de handicap, une journée par an. » Elle espère obtenir l’approbation de l’assemblée départementale sur ce projet : « Comme c’est quelque chose qui ne coûte rien, qui est pédagogique et peut également sensibiliser l’opinion qui a besoin d’être entretenue là-dessus quand on sait qu’il y a environ 10% de personnes handicapées à Montpellier, moins de 3% en fauteuil roulant, et moins de 1% d’élus, on est ultra-minoritaires. »

Si son bureau au Conseil Départemental a été bien adapté, l’hémicycle de l’assemblée ne l’est pas, ce qui par exemple ne lui permet pas de descendre en son coeur même quand c’est nécessaire. « Quand a essayé d’adapter la tablette de mon bureau dans l’hémicycle, les techniciens ont téléphoné à d’autres départements pour savoir comment ils avaient fait, on leur a répondu ‘on n’a pas de fauteuils ici, on ne l’a jamais fait’ ! » Mais l’action de Gabrielle Henry n’est pas uniquement mobilisée sur l’accessibilité, elle reste attentive à ses concitoyens les plus en difficulté sociale. Dans ce cadre, elle est intervenue à plusieurs reprises pour loger des personnes : un père divorcé qui dormait dans sa voiture avec sa fillette, une femme battue fuyant le domicile conjugal… Elle vit à proximité d’un campement de Roms; avec des innovateurs issus de l’économie sociale et solidaire, elle a élaboré un abri autonome pour personnes sans domicile fixe, le Cocoon. « Si je ne fais pas un deuxième mandat, conclut-elle. j’aurai un engagement social, je continuerai. J’ai conservé des liens avec des associations, et ce qui est intéressant quand on est élu, c’est de rester comme on est. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, avril 2016.

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