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Âgée
de 38 ans, Aurélie Ossadzow habite à Tours
(Indre-et-Loire) avec son mari et ses trois enfants. Atteinte
dès la naissance par une rétinite pigmentaire, elle n'a qu'1/20e
de vision et se déplace avec une canne blanche. Elle peut toutefois
continuer à lire les textes imprimés, n'a pas appris le braille
et a mené une scolarité et des études brillantes. "Mes parents
se sont battus pour que je sois en intégration, raconte-t-elle.
J'ai appris à lire et à écrire comme les autres élèves, à la différence
que je ne voyais pas le tableau." Ce parcours l'a conduite jusqu'à
un diplôme de statisticienne économiste obtenu à l'École nationale
de la statistique et de l'administration économique (ENSAE) après
avoir fait maths sup et maths spé, avec une année d'études à l'Université
Laval à Québec (Canada) : "J'ai beaucoup aimé l'hiver, la ville.
J'étais inscrite en maitrise en ressources humaines." A son retour
en France, c'est dans un autre domaine qu'elle a travaillé : le
calcul des prix des billets d'avion chez Air France. Et elle a
construit sa vie, rencontrant l'homme qui allait devenir son mari,
et fondant une famille.
C'est ce qui lui a fait rencontrer la politique. "Pour une bête
histoire de place en crèche, j'ai rencontré en 2007 le maire de
Nogent-sur-Marne,
Jacques JP Martin. Je lui ai parlé des difficultés d'une femme
malvoyante en ville, il m'a proposé de m'engager dans l'action
municipale et j'ai été élue au conseil municipal aux élections
de mars 2008. Je n'ai d'ailleurs pas eu la place : les crèches
proches de chez moi étaient gérées par le Département et malgré
l'intervention de Jacques JP Martin, qui est conseiller général
d'opposition, je me suis heurtée à un refus. En fait, ma fille
n'est pas née au 'bon moment' pour pouvoir l'inscrire, un sort
commun à toutes les mamans", résume-t-elle. C'est enceinte de
son second enfant et avec son premier âgé d'à peine plus d'un
an qu'Aurélie Ossadzow s'est embarquée dans la campagne électorale
: "Avec cette grande imagination des politiques de confier le
handicap à une personne handicapée, ce qui me place en position
de juge et partie ! J'ai le sentiment, davantage à Tours qu'à
Nogent, qu'on me réduit souvent à ma canne blanche. Or, à la différence
d'un médecin auquel on confie une délégation municipale à la santé,
on n'a pas choisi le handicap. A Nogent comme à Tours, j'ai toujours
eu le souci de ne pas privilégier la déficience visuelle."
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Son mari muté à Tours en 2012, Aurélie Ossadzow
a démissionné du Conseil Municipal de Nogent : "Je me suis demandé
si j'allais continuer la politique, je n'étais pas membre d'un
parti, tout en ayant une sensibilité plutôt de droite." Elle s'est
rapprochée du chef de l'opposition municipale; Serge Babary, qui
a remporté la mairie en 2014 en plein scandale des mariages chinois,
affaire retentissante qui a conduit le maire à l'époque des faits,
Jean Germain, à se suicider au premier jour du procès, le 7 avril
2015, un traumatisme qui pèse encore sur la vie locale.
"Depuis 2014, j'ai la délégation au handicap, poursuit Aurélie
Ossadzow. En octobre dernier, j'ai demandé au nouveau maire, Christophe
Bouchet, une seconde délégation, les ressources humaines. J'ai
envie de m'investir dans autre chose que le handicap." Même si
Tours a encore bien des efforts à faire : "Le tramway est accessible,
mais la rue Nationale [large artère commerçante NDLR] est un cauchemar,
il n'a pas été tenu compte de toutes les préconisations des associations,
les pavés sont glissants. Tout est aux normes, a minima,
mais sans confort d'usage. Le tram est géré par la Métropole,
ce ne sont pas les mêmes personnes ni la même couche administrative.
Toutes ces histoires sont des histoires d'humains. Ce ne sont
pas des méchants, mais ils servent d'autres intérêts." Est-ce
cet écart entre préoccupations de terrain et niveau bureaucratique
qui lui donne envie de postuler à un mandat au Conseil Métropolitain
? La dernière réforme en date lui ouvre cette possibilité en 2020.
En passant de la banlieue parisienne à une ville moyenne de la
région Centre, a-t-elle constaté une différence d'approche du
handicap ? "La différence dépend des gens. A Nogent, la prise
en compte du handicap s'est faite au fil du temps, avec la sonorisation
des feux tricolores et les traversées piétonnes surélevées ou
avec abaissés de trottoirs par exemple. A Tours, il y avait beaucoup
de retard, rien n'avait été fait pour la voirie, entre autres.
Mais je n'ai pas le sentiment de différences dans les mentalités
entre la région parisienne et la province. On a les mêmes problèmes
de circulation sur les trottoirs avec des voitures et des poubelles
dessus. Et quand on fait une remarque, on se fait engueuler, 'je
travaille moi!' Mais à Tours les gens sont moins speed."
Pas de différence non plus côté engagement politique : "J'ai pris
la carte des Républicains en 2015, pour participer à la vie locale.
J'avoue être un peu déçue par cette expérience, je n'ai pas repris
ma carte en 2018. Ce qui m'intéresse, c'est de faire avancer des
choses, pas les logiques d'affrontements et de parti. La politique
peut être très belle, on en a besoin pour vivre ensemble. Mais
il faut voir ce que les gens en font."
Propos recueillis par Laurent Lejard,
mars 2018.
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