Elle avait les cheveux presque rouges, Sylviane, dans les Salons de l’Hôtel de Ville. L’ensemble des médaillés français des Jeux Paralympiques d’Athènes étaient reçus par le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, après avoir été dans la matinée décorés par le Président de la République. « C’est la danse qui m’a conduite vers l’escrime, explique Sylviane. J’avais depuis l’enfance un côté Zorro, Mousquetaire, je me suis engagée dans le Droit pour combattre l’arbitraire. Cette idée du duel, je la retrouve dans les tribunaux ». Sylviane Meyer est avocate depuis près d’une vingtaine d’années, la plupart passées en région parisienne. La polio a touché sa jambe gauche deux ans après sa naissance en 1961. « J’ai été scolarisée dès la maternelle, j’étais sur un chariot plat. Progressivement, j’ai pu utiliser un chariot incliné, puis un fauteuil roulant et enfin des cannes. Mes parents m’ont épargné la vie en institution ». Sylviane a toutefois séjourné deux ans à Garches, lors d’importantes interventions chirurgicales qui ont contribué à lui redonner une position debout et une marche confortable. « J’insiste sur le besoin d’intégration scolaire dès le plus jeune âge. Le milieu hospitalier n’est pas vivifiant. A l’école, je jouais avec les autres enfants; à chat, je gagnais toujours, dès que j’étais touchée, je retouchais tout de suite avec ma canne, en rit-elle ! Mes parents ont tout fait pour réduire les interventions chirurgicales au strict nécessaire. Cela m’a donné un aspect ‘papillon’, en retrouvant un corps et une féminité ».

Quittant son Paris natal, Sylviane Meyer s’est installée depuis quelques mois en Bretagne, plaidant dans des tribunaux difficiles d’accès, comme souvent. « Quimper, c’est la galère, il n’y a pas d’ascenseur, les salles d’audience et les bureaux sont sur quatre étages ». Sylviane est avocate généraliste, plaidant en défense et en partie civile, au pénal comme au civil ou au social. « L’escrime m’a aidé dans mon métier, elle m’a donné de l’assurance et la capacité de trouver la faille chez l’adversaire ». Ses confrères du Barreau l’apprécient, et l’ont fêtée dès son retour des Jeux d’Athènes; Sylviane en rapportait la médaille de bronze par équipe en épée.

« Mes confrères sont fiers, ils estiment que ce résultat honore le Barreau et montre que l’on peut faire autre chose que se contenter d’être handicapé. On ne nous voit plus en disant ‘ils ont du mérite’, on nous voit comme des athlètes avec un entraînement spécifique. Mes confrères ont été compréhensifs durant la période pré- paralympique, ils ont accepté des demandes de renvois ou plaidé à ma place des affaires simples ». Si elle demeure fidèle au club d’Aulnay sous Bois (93) dans lequel elle s’est exprimée durant ses nombreuses années franciliennes, elle s’entraîne actuellement à Quimper en considérant que sa discipline est aisément intégrable dans un club de valides. « Il suffit d’une salle accessible et d’un peu de temps pour installer le matériel nécessaire lorsque l’on tire en fauteuil roulant. Des clubs n’ont pas envie de se remettre en question, d’autres estiment que c’est une sacrée ouverture ». Il lui arrive parfois de combattre des escrimeurs valides qui prennent place dans un fauteuil, « ils constatent que les défauts qu’ils ont debout sont conservés quand ils tirent assis, cela leur permet de comprendre et de corriger ».

Après une vie trépidante en région parisienne, Sylviane Meyer a saisi l’opportunité de reprendre un cabinet d’avocat à Concarneau pour privilégier avec sa famille une meilleure qualité de vie. « Professionnellement, c’est plus compliqué. Les tribunaux sont éloignés les uns des autres, je fais beaucoup de kilomètres ». Le week- end, elle s’adonne à l’escrime, en attendant d’autres aventures de Mousquetaire au tribunal…

Laurent Lejard, octobre 2004.

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