Christiane Hautière était mariée, et mère de trois enfants, quand elle a commencé il y a dix ans à ressentir ses premiers troubles de motricité, alors mal diagnostiqués. Quand elle marchait, elle titubait : « Je chutais facilement dans la rue, mes enfants encore adolescents me relevaient, ils encaissaient les reproches du genre ‘quand on fait la noce’… Je marchais de travers, on disait à mon mari qu’il avait une femme ivre ! « . Christiane ne connaissait pas la cause de ses troubles moteurs et les médecins l’ont soignée durant deux ans pour une dépression nerveuse qu’elle n’avait pas. « Je pensais à un cancer, une tumeur au cerveau, une maladie de Creutzfeld Jacob. J’étais amorphe, assommée par les médicaments. Un jour, je me suis mise en colère, j’ai exigé une I.R.M, je l’ai obtenue de force. L’examen radiologique a mis en évidence des anomalies cérébrales, la myéline se dégradait et disparaissait à certains endroits ». Le diagnostic de sclérose en plaques atypique pouvait être posé, et Christiane savait enfin ce qui altérait sa motricité et son autonomie : une maladie évolutive invalidante, dont les séquelles sont variables d’un jour à l’autre.

« J’avais 37 ans lors de l’apparition des premiers troubles. Je travaillais comme assistante maternelle, j’ai dû rapidement arrêter, par fatigue du corps et de l’esprit. Je n’ai pas essayé de me reconvertir ». Actuellement, elle se déplace essentiellement en fauteuil roulant : « Je n’ai pas la force de propulser le fauteuil manuel. Dans ma famille, je reçois des reproches ‘elle peut pas faire ceci ou cela’. J’ai protesté, rappelé que j’existe, on me traitait de grincheuse ! Alors j’ai fait essayer le fauteuil à mes enfants et mon mari, ils ont compris que le moindre obstacle était galère. J’utilise également un fauteuil roulant électrique; quand je circule avec on me prend moins pour une idiote, alors qu’en fauteuil manuel on ne m’adresse pas la parole, on me prend pour une débile »…

Christiane a investi son temps libre dans l’action associative. Elle participe à un groupe de soutien qui prend la forme de thés hebdomadaires durant lesquels chacun parle de ses problèmes et de ses joies. Seules des femmes ont répondu, quelques conjoints se joignent parfois : « Ça s’est réalisé comme ça, naturellement. Le groupe fait du bien aux accompagnants, ils partagent et cela les aide. Parce que souvent, le conjoint s’évade »… Celui de Christiane est resté, mais elle n’a plus de relations conjugales avec lui : « Je suis un peu un chef-d’oeuvre en péril, avec mon corset et ma minerve ! Tout a changé dans ma vie de femme; à 40 ans, je n’étais qu’une malade, plus une femme. Maintenant, on anticipe mes besoins et mes demandes alors que je suis heureuse de peler quatre pommes pour faire une compote. Mes parents m’ont infantilisé, je devais rester leur enfant, j’ai fini par rompre avec eux, quand j’ai pu accepter ma maladie je me suis révoltée ». Christiane a demandé à son mari de lui aménager une chambre au rez-de-chaussée de leur maison mais ce n’est qu’après avoir « mis le foutoir » que son souhait a été réalisé. Malgré ces difficultés, elle demeure ouverte au monde : « Il faut savoir se défendre, mais c’est à nous de sourire aux autres, de faire l’effort même si on reçoit de drôles d’attitudes ».

Laurent Lejard, octobre 2005.

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