Stéphanie Dubuc, qu’une infirmité motrice cérébrale conduit à se déplacer en fauteuil roulant, a quitté le toit familial à l’âge de 13 ans : « Au début, j’ai eu beaucoup de mal, puis je me suis adaptée, je me suis fait des amis même si je suis d’un caractère plutôt réservé. Il ne faut pas se leurrer : on a peur des valides et eux ont peur de nous ! »

Sa scolarité a été quelque peu chaotique. Après le cycle primaire effectué dans un Institut Médico-Educatif à Lille (Nord), du Cours Préparatoire jusqu’à la 6e, et ne trouvant pas de collège capable de l’accueillir, elle a dû aller à Berck (Pas-de-Calais) préparer un B.E.P. Elle a rejoint ensuite le Lycée Collège Jean Monnet, à Garches (Hauts-de-Seine), qui accueille de nombreux élèves handicapés moteurs tout en suivant le programme standard; elle y a obtenu deux baccalauréats professionnels en secrétariat puis en comptabilité, ce qui lui a donné envie de poursuivre vers un Brevet de Technicien Supérieur d’assistant(e) de direction. Et là, elle s’est fait avoir : sa recherche l’a conduite à accepter de suivre, dans les Deux-Sèvres, les cours d’un établissement privé qui l’assurait que tout serait adapté. La réalité fut différente et Stéphanie n’a pu disposer des moyens de transport lui permettant de démarcher des entreprises pour effectuer le stage pratique inclus dans le cursus. Elle a donc subi une année « blanche », et poursuivra sa formation diplômante en Contrat d’Apprentissage dès la rentrée de septembre.

« J’aime bien le contact avec les gens. J’ai fait plusieurs stages en entreprise, ça s’est toujours bien passé avec les collègues et la hiérarchie, ils ont été satisfaits de mon travail. Pour rechercher un stage, j’ai sélectionné des entreprises intéressantes parmi celles qui accueillent des jeunes handicapés, et en tenant compte des transports en commun accessibles. A Jean Monnet, j’utilisais les véhicules de transport adapté de l’établissement, mais pour aller travailler, je dépends des transports collectifs. Le rapport de mes interlocuteurs au fauteuil roulant ? J’explique ma situation dans ma lettre de motivation, y compris que j’écris plus lentement; ça s’est toujours bien passé, sauf une fois, chez Peugeot : l’employée qui m’a reçue a fait un blocage, elle a raccourci l’entretien, m’a regardé bizarrement en me disant qu’elle pensait que mon handicap ne concernait qu’un bras ou une jambe. Quand j’ai quitté son bureau, elle m’a lancé ‘ne comptez pas sur moi pour faire votre marche arrière’ ! Aussi, pour éviter cela, je cible les Missions Handicap des entreprises, je fais très attention »…

Dans une filiale du groupe Colas (Bâtiments et Travaux Publics), la SPAC à Clichy (Hauts-de-Seine), l’entretien s’est nettement mieux passé : « On m’a écouté, posé des questions pratiques sur l’aide dont j’aurais besoin, les aménagements à réaliser. Et l’entreprise est prête à me prendre en contrat en alternance. C’est la première fois qu’elle prend un stagiaire handicapé ». Stéphanie effectue un premier stage en mai dans l’entreprise, en juin et juillet elle y travaillera avec un contrat d’intérim, puis en septembre sous contrat d’apprentissage. Pragmatique, Stéphanie a poursuivi ses recherches afin d’être assurée d’une deuxième solution au cas ou cela se passerait mal à la SPAC : « J’ai déjà perdu un an, je ne veux pas en perdre deux ».

Stéphanie a fait l’apprentissage de la vie autonome en s’installant l’an dernier dans les Deux-Sévres : « J’habite dans une résidence, je fais tout chez moi sauf le ménage, effectué par une aide. A l’intérieur, j’utilise un fauteuil roulant manuel, à l’extérieur un électrique ». Côté ressources, elle vit avec l’Allocation Adulte Handicapé et une bourse d’études. Perdre son allocation du fait du salaire perçu pour son travail ne la choque pas : « En travaillant, j’aide les autres. Et puis j’ai des problèmes de dos, j’envisage de travailler à temps partiel pour cette raison de santé, même si je préférerais être à temps plein ».

Lorsqu’elle reviendra en région parisienne, elle retrouvera à la fois son petit ami et la vie urbaine qui la stimule : « A Paris comme à Lille, je sors, je fais les magasins, je vais dans des soirées. Je ne me projette pas encore dans l’avenir, même si je me pose la question du mariage, tout en me demandant comment je pourrais continuer à bénéficier d’une tierce-personne »…

Laurent Lejard, mai 2006.

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