Laure Gautier est originaire de Châteaubriant, une petite ville de Loire Atlantique rendue (tristement) célèbre par l’exécution, le 22 octobre 1941, de vingt-sept otages français, dont le jeune Guy Mocquet, fusillés par les Allemands…

Laure Gautier s’est d’abord dirigée vers un B.T.S d’assistante de direction, qu’elle a rapidement abandonné pour se diriger vers des études de langues étrangères appliquées. Mal informée par le médecin universitaire qui venait de prendre ses fonctions, elle n’a pu bénéficier du dispositif d’étalement de la scolarité sur deux années et redouble donc sa première année du fait des aléas de santé liés à sa pathologie, une amyotrophie spinale. Elle suit désormais une scolarité aménagée.

Laure réside de manière indépendante, dans une chambre adaptée d’une cité universitaire récente : 23 m², soit l’équivalent de trois chambres, un « luxe » nécessaire pour une jeune femme qui accueille quotidiennement chez elle deux auxiliaires de vie, une pour la journée, une pour la nuit. Les trois autres chambres similaires de la Cité U sont d’ailleurs occupées par d’autres étudiants handicapés. À la fac, un auxiliaire de vie universitaire assure la prise de notes et d’autres tâches que Laure ne peut effectuer seule. Elle a eu la chance, assez exceptionnelle, de bénéficier de ce système de prise en charge dès son arrivée à l’université en 2005 : jusqu’à la veille de la rentrée, elle était dans l’incertitude, les auxiliaires de vie universitaire n’existaient pas légalement, le dispositif venait juste d’être créé à titre expérimental. Autre problème, âgée encore de 17 ans, elle dépendait du système allocataire des enfants et adolescents et il lui a fallu batailler pour obtenir la prise en charge de ses deux auxiliaires de vie. Elle aura 20 ans le 7 décembre prochain, jour de lancement du Téléthon 2007, et entrera alors dans le système allocataire des adultes, promesse d’un revenu « décent » et d’une prise en charge de ses aides humaines par la prestation de compensation du handicap.

Si chaque début décembre Laure vit au rythme du Téléthon, l’édition 2006 fut pour elle l’occasion de faire à ses parents une grande révélation : elle leur a présenté le garçon avec lequel elle entretenait, depuis un mois, une relation amoureuse : « Mes parents ne s’étaient pas rendus compte que j’avais grandi, il n’imaginaient pas que je pourrais avoir une vie de femme, de couple ». Laurent, l’ami de Laure, est comme elle originaire de Chateaubriant; ils se sont connus dès l’enfance. « Lors du week-end du téléthon, on a annoncé à mes parents qu’on était ensemble depuis un mois. On pense à s’installer dans un appartement adapté en 2008, il y a à Saint-Herblain, dans la banlieue de Nantes, un projet de logements adaptés avec des aides humaines disponibles 24 heures sur 24 ». Actuellement, ils se voient essentiellement le week-end, Laurent terminant un Bac pro à Châteaubriant.

Laure Gautier connaît bien Marie-Antoinette Vicaire : « C’est un peu ma grande soeur. Elle m’a donné des conseils, on a la même pathologie ». Si les amis de Laure ont considéré sa relation amoureuse comme tout à fait naturelle, ceux de Laurent ont été plus pressants de questions sur ce que cela entraînait pour lui. Une amie de Laure s’est toutefois inquiétée : « Elle était très émue, avait peur que je sois maltraitée, délaissée. Mais elle a vu que l’amour m’a épanoui et que Laurent a tout accepté; il s’occupe très bien de moi ». Laure avait déjà organisé son quotidien pour disposer d’une auxiliaire de vie le week-end, en cas de besoin; Laurent ne prend le relais de l’aidant qu’à des moments choisis, et non pas imposés.

Laure s’interroge sur son avenir professionnel. Elle voudrait s’orienter vers l’interprétariat, mais bute sur un obstacle de taille : les compagnies aériennes et ferroviaires n’assurent pas, à l’international, un transport adapté aux besoins liés à sa pathologie, sauf à voyager allongée en classe affaires en payant un prix exorbitant. « C’est un véritable souci, j’envisageais de faire un stage en Espagne mais je ne vois pas comment je peux m’y rendre autrement qu’en voiture ». Cette inadaptation des transporteurs gêne la réalisation d’une aspiration commune de Laure et Laurent, leurs rêves de voyages. Mais s’ils ne peuvent actuellement tout réaliser, Laure espère fonder une famille : « Même en étant handicapée, on peut avoir une vie de femme, de couple, avec un homme valide, ce qui surprend encore la plupart des gens »…

Laurent Lejard, novembre 2007.

Partagez !