Âgée de 33 ans, le handicap de Céline Morelle est apparu alors qu’elle en avait 13 : « Jusqu’à l’âge de 16 ans, on ne voyait quasiment rien. Aujourd’hui, je suis encore autonome, mais j’ai des troubles de l’équilibre ». Céline est touchée par une atrophie du cervelet qui altère ses capacités motrices. « L’évolution de mon handicap m’a conduit à me déplacer en fauteuil roulant manuel depuis quatre ans, avant je ne faisais pas particulièrement attention à l’accessibilité ». Elle a apprécié les années passées à Lille, en qualifiant l’accessibilité de « bonne ». « À Dunkerque, il y a pas mal de travail et d’efforts dans ce domaine, à la différence de Malo-les-Bains : là, les trottoirs sont défoncés, les pavés difficiles ». Malo-les-Bains est la station balnéaire de Dunkerque, un peu au nord de la ville.

Née dans le Nord, Céline Morelle est installée à Dunkerque depuis huit ans, après avoir vécu à Lille et à Villeneuve-d’Ascq, où elle a suivi des études universitaires dans un établissement mixte accueillant jeunes handicapés et valides. Elle y a obtenu un DEUST de documentaliste en 1998, après avoir suivi une scolarité en établissement ordinaire tant que son autonomie le lui permettait. Il lui aura fallu deux années de recherches pour obtenir son premier emploi, à la bibliothèque de Dunkerque puis à l’État-Civil de la ville. Depuis deux ans, elle travaille comme agent administratif au sein d’une association de personnes handicapées; elle en assure le secrétariat, effectue des recherches documentaires, rédige le journal interne de l’association. Son contrat de travail arrivera à son terme fin août et ne sera pas renouvelé, Céline Morelle est à nouveau en recherche intensive d’emploi : « Ça ne se passe pas bien, j’ai fait le choix de mentionner sur mon CV que je suis reconnue travailleur handicapé. Cela crée une barrière immense, réduit fortement le nombre d’entretiens; et on recrute, mais sur des contrats merdiques, précaires, aidés »…

Céline habite à quelques minutes du centre de Dunkerque. Pour se rendre au travail, elle utilise le service spécialisé Handibus qu’elle réserve une semaine à l’avance. Pour ses déplacements privés, elle préfère les autobus dont la majorité est maintenant accessible en fauteuil roulant : « Je vais à pied, je peux me mêler aux personnes valides, je n’aime pas rester avec des personnes handicapées. Je les entends souvent dire que les valides ne les aiment pas, les mettent de côté; mais moi je pense qu’il faut bousculer ces personnes handicapées, les faire sortir de chez elles. Elles se plaignent dans leur coin, ont peur des autres, restent chez elles. Quand on organise quelque chose, elles ne viennent pas, elles ont du mal à se mélanger. J’ai agi dans des associations, c’est là que je me suis rendu compte qu’il n’y avait plus grand monde qui participe, c’est parfois décourageant. Mais on entend tellement de propos aberrants que ça donne envie de se battre. C’est ma nature, d’aider des gens malheureux et de combattre l’injustice »…

Ce qu’elle a fait en prenant sur son temps libre, pour réaliser un guide de vie pratique et d’accessibilité de Dunkerque et sa proximité. Elle a testé les services publics et privés, propose des informations pratiques et des adresses locales : « Le guide a été très bien accueilli, par tous ceux qui l’ont découvert. La mairie m’a aidé en l’imprimant gratuitement. J’aime faire des recherches, faire passer de l’information. Ici, elle passe très mal, alors je pense qu’il est bien d’agir au nom des autres ».

Si Céline a traversé une période où elle faisait passer l’action pour les autres avant sa vie personnelle, elle a maintenant décidé de privilégier sa vie privée. Dans les prochains mois, elle s’installera dans un nouvel appartement avec son ami, elle espère fonder une famille : « J’appréhende comme toute femme d’avoir un enfant, mais quand on est handicapé, on apprend et on s’adapte tout le temps. Tous les jours, on doit trouver des astuces, prévoir ses parcours, et préparer le lendemain ».

Propos recueillis par Laurent Lejard, août 2008.

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