À Pékin 2008, les handisportifs cubains ont, en quelque sorte, battu les valides : ils ont rapporté à leur pays cinq titres paralympiques alors que les athlètes olympiques n’en ont gagné que deux. Grande triomphatrice et nouvelle gloire nationale, Yunidis Castillo a gagné deux des cinq médailles d’or de ces Paralympiques, et décroché un nouveau record du monde du 200 mètres catégorie T46. Un palmarès de choix pour cette jeune femme de 21 ans, originaire de Santiago de Cuba et qui s’entraine désormais à La Havane. Si elle pratique l’athlétisme depuis l’âge de 15 ans, c’est le judo qui l’intéressait particulièrement. Mais l’accident qui a entrainé l’amputation de son bras droit l’a conduit à se recentrer sur l’athlétisme : saut en longueur, jusqu’en 2005, et sprint, elle court sur 100 et 200 m (catégorie T46). Actuellement, elle est en quatrième année de formation universitaire dans une filière équivalent aux Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), et se destine au professorat. Elle envisage également d’entamer des études de psychologie et de langues étrangères.

« Je mène une vie normale, comme tout le monde, explique-t-elle. Je bénéficie de quelques attentions spéciales quand c’est nécessaire, mais j’ai la même vie que les étudiants valides. Rien de particulier ! » Effectivement, l’Etat ne fournit pas d’allocation ou aide spécifique aux étudiants handicapés, en dehors de quelques chambres adaptées en cité universitaire. Yunidis habite à La Havane Est, dans ce genre de chambre spéciale, aménagée pour elle dans la résidence étudiante installée à quelques dizaines de mètres du stade dans lequel elle s’entraîne, celui des Jeux Panaméricains de 1991, sur la piste récemment rénovée duquel veille le regard d’Ernesto Che Guevara… Yunidis Castillo côtoyait encore récemment des athlètes en fauteuil roulant, qui ont été déplacés vers un autre stade mieux adapté, la pente d’accès au Panaméricain étant trop forte et les installations mal adaptées, de même que les logements proches.

Elle a participé aux Jeux Paralympiques d’Athènes 2004 et de Pékin 2008, des compétitions qui ont enrichi son expérience. « Il y a quelques années, en partie à cause de la situation économique, le peuple Cubain ne connaissait pas bien le handisport, qui a décollé en 1991, lors des Jeux Para-Panaméricains qui ont succédé aux Jeux Panaméricains; dans le stade, il y avait du public. Maintenant, le handisport est stimulé et il y a des actions de communication. » La télévision nationale, par exemple, consacre des séquences au handisport, interviewe des sportifs, suit des entrainements, retransmet les jeux nationaux. Le niveau de la compétition nationale est relevé, selon Yunidis, d’autant que la fédération cubaine invite souvent des handisportifs d’autres pays d’Amérique latine.

Yunidis Castillo prépare sa prochaine grande compétition, au Brésil, et se fixe comme objectif de participer aux Jeux Paralympiques de Londres 2012, qui seront peut-être son dernier grand rendez-vous international, parce qu’elle veut aussi vivre sa vie de femme et fonder une famille, avec plusieurs enfants : « Dans l’esprit des Cubains, on aime bien aller vers l’avant, se projeter dans le futur, que l’on soit handicapé ou pas, sans avoir de complexe, parce que Dieu sait ce qu’il fait : il peut nous enlever quelque chose et nous donner beaucoup d’un autre côté. Avec beaucoup de travail et de volonté, on peut réussir. »


Propos recueillis par Laurent Lejard, décembre 2008.

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