« Mon parcours est un peu compliqué ! confie Odile Maurin. Déjà petite, j’étais très militante, revendicative. Aujourd’hui, je me bats dans des conditions plus sereines, j’ai canalisé ma colère ». Elle tient le coup physiquement et moralement malgré les problèmes de santé qui l’handicapent depuis l’âge de 18 ans, une multitudes de troubles du métabolisme qui font qu’une affection pousse l’autre : « Mon état est fluctuant. Enfant, ça a commencé avec un rhumatisme paralysant. À 18 ans, une hépatite C m’a fait tomber à 37 kilos. J’ai plongé dans l’héroïne, qui a masqué mes problèmes de santé. En 1994, la Méthadone a réussi à me détacher de l’héroïne, et on m’a identifié plusieurs maladies invalidantes et chroniques, une accumulation de pathologies cardiaques, endocriniennes, générant des effets secondaires liés aux multiples traitements nécessaires… » Actuellement, elle se déplace en fauteuil roulant tout en s’efforçant de vivre debout chez elle, malgré la fatigue et les douleurs que cela génère.

Issue d’un milieu aisé, Odile Maurin a reçu une éducation ouverte sur les autres et la culture. Adolescente, elle avait une passion pour la moto et l’équitation : « J’avais interdiction de faire du sport, à cause de problèmes de dos, une scoliose, mais je suis passé outre. Je pense que le sport m’aidé physiquement. J’ai arrêté l’école à 18 ans, en première, je ne voyais pas où elle me conduisait. Plus tard, j’ai regretté ce choix. J’étais un peu ‘garçon manqué’. Mon père m’avait appris la mécanique, je pilotais une moto en compétition, dans des enduros. Mais l’hépatite C s’est déclarée et tout a été fichu par terre. J’ai cru que ça se remettrait, alors j’ai travaillé, dans la vente, mais je ne tenais pas le coup physiquement. J’ai utilisé la drogue comme un dopant, malgré les problèmes financiers liés à son prix et les risques judiciaires encourus. »

Sa première action militante remonte à 1994, alors qu’elle résidait à Avignon; elle y a créé l’association Asud (Auto-support des usagers de drogues) qui réalisait notamment des actions de prévention sida : « Je recevais dans un local des gens qui vivaient dans la rue, pour un moment de pause. C’est là que j’ai commencé à travailler sur les questions sociales ». Ses problèmes de santé, et une volonté de se rapprocher du sud-ouest l’ont obligé à arrêter en 1996. Puis elle est partie à l’assaut de la forteresse Cotorep : « J’ai fait une demande d’Allocation Adulte Handicapé après avoir subi une tuberculose, qui m’a été refusée et j’ai contesté la décision. Heureusement, la Sécurité Sociale m’a accordé une pension d’invalidité, mais d’un montant minimal : je me suis battu en médiatisant ma situation en 1998, des personnes m’ont contactée ».

Odile Maurin a collecté des situations, organisé la défense des victimes : « Je connaissais l’Association des Usagers de l’Administration (ADUA) et je me suis occupé de son comité Cotorep. J’ai cherché dans les textes les moyens de me défendre, en décortiquant les lois, ce qui m’a conduit à déposer une requête indemnitaire au Tribunal Administratif. Elle a été rejetée, alors j’ai fait appel et j’ai finalement gagné en 2005, le Conseil d’État a condamné l’État à 1.500€ de dommages et intérêts. Mais sans m’accorder de droits rétroactifs ». Entre-temps, en 2002, la Cotorep avait fini par lui octroyer un taux de 80% d’invalidité au titre d’une maladie mentale ! La Sécurité Sociale lui a accordé la Majoration Tierce Personne, récemment transformée en Prestation de Compensation du Handicap.

Actuellement, Odile Maurin préside une associations de défense, Handi-social, et anime à Toulouse le mouvement Ni Pauvre Ni Soumis, dont elle dresse un bilan contrasté : « Il y a à Toulouse une dynamique qui n’existe peut-être pas dans d’autres villes. Dominique Rabaud, qui dirige Etre et Avoir 31, m’a beaucoup aidé, notamment pour mon dossier. Il a aussi travaillé avec Sandrine Riaudo. Ce mouvement collectif est une rencontre de personnes. Mais nos dernières actions ont du mal à mobiliser. Je pense qu’il y a des associations qui ne jouent pas le jeu : l’Association Française contre les Myoptahies ne veut plus manifester, sur ordre de sa direction nationale. Pourtant, lors de la manifestation du 29 janvier, on a vu 50 personnes handicapées dans le cortège. On a fédéré des associations, mais il y a des questions de personnes. Un des problèmes du milieu du handicap est que beaucoup de personnes qui sont passées par l’institution sont habituées à se résigner ».

À 45 ans, Odile Maurin veut regarder la vie autrement : « Pendant 10 ans, je n’ai pas eu le choix, j’ai dû me battre contre l’administration. Depuis un an et demi, je me préoccupe de ma vie personnelle et affective, mais je ne sais pas dire non, parce que j’ai l’impression de faire avancer les choses. On reconnaît que je suis une spécialiste du guide-barème d’invalidité. Il y a des oppositions, mais aussi des gens qui reconnaissent mes compétences ». Un constat optimiste qui l’incite à poursuivre la lutte pour « avancer tous ensemble »…


Propos recueillis par Laurent Lejard, février 2009.

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