Comme pour bien d’autres, la vie de Marielle Rivière a brutalement changé à cause d’un accident de voiture. Pour elle, cette nouvelle vie a commencé le 1er septembre 2001, dont cette comédienne a tenu le carnet de bord, notant ce qui lui arrivait, ce qu’on lui disait. On la voyait alors comme une handicapée et non plus comme une femme. Elle pensait sa vie finie. Puis elle a transformé les réflexions des autres en les poussant vers l’autodérision, la moquerie. : « Ça a mûri, et m’a donné envie d’en faire un spectacle. Au départ, c’était un besoin de sortir la souffrance, de comprendre ce qui m’arrivait. Par la rééducation, le travail des médecins me montrait qu’on pouvait faire des choses, résister, lutter. Et le fait d’avoir déjà un enfant m’a poussé à y aller ». La passion de son métier avait repris le dessus.

Si elle a commencé à écrire en 2001, ce n’est qu’en 2008-2009 que le spectacle a pu être monté. Un travail réalisé en collaboration avec son mari, régisseur de spectacles. La vie avait repris, et Marielle a voulu deux autres enfants : « Je m’imaginais mal avec un enfant unique, j’avais envie d’une famille. J’arrivais à m’occuper de mon premier enfant, je pouvais le faire avec d’autres. J’ai fait plein de choses avec eux, je joue avec eux. Ce sont davantage les réactions des autres qui les blessent ». Une situation qu’elle met en scène, dans une saynète en la poussant vers l’absurde. Elle se souvient de regards attendris, portés sur une maman, pas sur une « handicapée ». Les mentalités par rapport à la maternité d’une femme handicapée bougent un peu, a-t-elle constaté. Dans Rolling Woman, Marielle Rivière n’a pas la volonté de faire du théâtre violent.

Mais parvenir à reprendre vie n’a pas été aisé : « J’ai travaillé sur moi, ce que je pouvais devenir, vivant mon état le mieux possible sans faire subir la souffrance aux autres, supportant les regards en passant outre. J’ai fait un énorme travail psychologique. C’est une forme d’injustice, parce qu’on ne pense jamais que l’accident va nous arriver. Après, il faut faire le deuil. Pour moi, il y a deux vies, avant et après ».

Celle d’avant était fortement imprégnée de théâtre : Marielle Rivière a très tôt commencé à jouer, vers 6-7 ans; son conservatoire fut celui de Versailles, au théâtre Montansier, qui accueille chaque année depuis 2003 un festival européen théâtre et handicap. Elle a poursuivi avec des études de psychologie, fréquentant le cours Florent, travaillant dans des compagnies : clown, commedia dell’arte, théâtre dansé. Et elle se retrouve maintenant à l’opposé de l’expression corporelle qui a jalonné son apprentissage et son métier de comédienne : « Dans le fauteuil roulant, le corps est emprisonné. Quand j’ai travaillé avec Michel Brehm, le metteur en scène de la pièce, il a dirigé comme si j’étais debout. Il essaye d’enlever les barrières, de trouver un personnage. Ce n’est pas un travail sur le handicap, c’est un travail de comédien ».

Rolling Woman, que Marielle Rivière définit comme une tragi-comédie, a été joué six fois dans le sud-ouest (le spectacle est produit par la Compagnie l’Astrolabe, installée à Albi). « Les professionnels sont très positifs, les spectateurs ne sont pas choqués. Je n’ai voulu ni colère ni méchanceté. Certains disent prendre une claque d’émotion, sur leur vécu ou ressenti. Et ils apprécient l’idée de pouvoir rire, et moi de rire de ma situation et d’autres handicaps. Ça leur montre que quelqu’un en fauteuil roulant vit, n’est pas triste mais vivant ».


Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2010.

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