Née dans le Nord il y a trente ans, c’est en Bourgogne que Pauline d’Hautefeuille a passé son enfance et son adolescence, jusqu’à l’accident de voiture qui l’a rendue paraplégique alors qu’elle avait 18 ans. Elle s’est alors installée à Nancy pour suivre des études supérieures, et c’est dans cette ville qu’elle a enfin pu pratiquer l’escrime : « J’en ai eu envie dès l’enfance, parce que des cousins la pratiquaient. Mais la salle était trop loin de chez mes parents. Alors qu’à Nancy, j’ai pu aller dans un club d’escrime, bien que son accès soit compliqué ». C’est là qu’elle s’est initiée et perfectionnée, jusqu’à son installation à Paris en 2005, après avoir trouvé son premier emploi chez Vinci, tout en s’entraînant au Cercle Sportif de l’Institution Nationale des Invalides.

Dès sa deuxième année dans ce club prestigieux, où elle est toujours licenciée, elle a fait ses débuts en compétition internationale. Au fil des mois, ce sport est devenu prenant, empiétant sur les congés, ce qui a conduit Pauline d’Hautefeuille à chercher un autre emploi, quittant la veille réglementaire dans le bâtiment et travaux publics pour faire de la prospective et du développement international chez Malakoff Médéric. Dans le même temps, son palmarès lui a permis d’accéder au statut de sportif de haut niveau pour travailler à temps partiel sans perte de salaire. Pour la préparation aux championnats du monde d’escrime (qui se déroulent à Paris du 6 au 11 novembre 2010 pour les handisportifs, et jusqu’au 13 pour les valides) elle a réduit son activité à un mi-temps.

Mais habiter à un bout de Paris et travailler à l’opposé n’est pas simple : les déplacements peuvent être longs quand on ne peut les effectuer en métro (inaccessible). Aussi Pauline d’Hautefeuille s’entraîne-t-elle dans une salle proche de son lieu de travail, le club d’escrime de La Tour d’Auvergne. Elle tire également au Levallois Sporting Club Escrime à Levallois-Perret, se confrontant aux escrimeurs valides : « Ce qui me plaît dans la pratique de l’escrime en fauteuil roulant, c’est que l’on peut tirer contre des valides en étant à égalité. L’adversaire s’assoit dans un fauteuil roulant, il est sanglé comme moi. J’apprécie beaucoup de tirer avec des vétérans, qui ont une escrime posée, moins brouillonne ».

Entre son travail et l’escrime, Pauline d’Hautefeuille a su préserver du temps pour sa vie personnelle, elle est mariée depuis un an. Mais elle n’envisage pas encore d’avoir un enfant, elle devrait alors arrêter son sport durant tout le temps de sa grossesse, l’escrime restant un sport relativement dangereux.

Pauline d’Hautefeuille se prépare depuis un an pour un mondial d’escrime qui se déroulera dans son pays, dans sa ville d’adoption, tout en restant lucide sur ses performances passées : 2e au fleuret individuel et 3e à l’épée par équipes lors de la récente coupe du monde à Varsovie, 4e au classement international pour ces deux armes. Alors elle vise le podium, sans espérer l’or cette fois, un métal qu’elle veut obtenir lors des jeux paralympiques de Londres 2012. Lors de ses déplacements, elle a pu apprécier le niveau mondial. Durant un stage à Hong Kong (« une ville de la taille d’un grand Paris ! ») elle a remarqué que tous les escrimeurs s’entraînaient au même endroit, ce qui présente à ses yeux un grand avantage. Quant aux Ukrainiens, elle les trouve très professionnels, ils s’entraînent et se déplacent toujours en groupe.

En entamant un mondial d’escrime lors duquel les compétitions alterneront valides et handisportifs, Pauline d’Hautefeuille porte un regard positif sur l’évolution de l’intégration des personnes handicapées dans la société, les études, le travail, le sport qu’elle considère ne pas être réservé à une élite « parfaite ». Et elle apprécie par avance que les finales handisports du mondial soient télévisées, comptant sur le côté rapidité de l’escrime handisport pour impressionner et captiver le grand public.

Laurent Lejard, novembre 2010.

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