Malgré un palmarès impressionnant, Nathalie Benoit n’est pas une vedette médiatique du sport français. Pourtant, elle est au plus haut niveau mondial de son sport, l’aviron, depuis deux ans. Mais cette discipline n’attire pas les médias, elle ne brasse pas les euros par centaines de millions comme le football ou le rugby. L’aviron est en outre l’un des rares sports dans lequel sportifs et handisportifs s’expriment lors des mêmes compétitions, et c’est devant l’ensemble de l’élite mondiale que Nathalie Benoit a triomphé en 2010 et s’est classée seconde en 2009 et 2011 lors du championnat du monde. « J’ai choisi l’aviron pour être sur l’eau, c’est un sport très esthétique, explique-t-elle. J’avais essayé avant d’être touchée par la sclérose en plaques, mais les horaires étaient impossibles et le coût trop élevé pour mes ressources de l’époque ». Ce n’est qu’après les premières poussées de SEP, une maladie qui s’est révélée en 2005 et la prive de l’usage de ses jambes, que Nathalie Benoit a pu pratiquer l’aviron. « J’ai toujours vécu en Provence, je voulais enseigner et je préparais une licence en Sciences et techniques des activités physiques et sportives [STAPS] quand la maladie s’est déclenchée; je me suis réorientée vers le métier de professeur des écoles, dans la filière normale ».
Après une période d’enseignement en classe, Nathalie Benoit a intégré le Centre National d’Enseignement à Distance et fait travailler des élèves du primaire : « Avec eux, j’effectue beaucoup de reformulation, en dispensant un petit cours sur les points mal compris, quelles que soient les matières. Les parents jouent un grand rôle auprès de leurs enfants, dans l’enseignement à distance. J’enseigne à toutes sortes d’enfants, sportifs, itinérants, vivant à l’étranger ou suivant l’école à la carte, ou dans une école d’Haïti… Avant, j’avais enseigné aux enfants hospitalisés à l’hôpital Nord à Marseille, c’était très intéressant mais aussi très fatigant, j’avais des poussées de SEP, j’ai voulu préserver ma santé. »
Cela ne l’a empêché de participer à l’édition 2010 du rallye Aicha des Gazelles, un raid automobile d’orientation couru chaque fin d’hiver dans le désert marocain : « On est en voiture dix heures par jour en moyenne, c’est assez dur, mais c’est une belle expérience. Le bivouac est assez rudimentaire; pour moi, l’organisation avait prévu une petite tente avec douche et toilettes. » Pour le duo qu’elle formait avec Isabelle Danjou, le rallye a été mouvementé : « La voiture était mal équipée et mal préparée, on est en procès avec le loueur qui a, depuis, déposé le bilan… » Malgré cette déconvenue, Nathalie Benoit aurait aimé retenter l’aventure, mais les organisateurs lui opposent désormais des conditions draconiennes, telle la signature d’une décharge totale de responsabilité faite devant notaire !
Alors, c’est vers la voile et le ski de fond qu’elle porte son regard, même si sa priorité sportive reste les Jeux Paralympiques de Londres 2012 : « Grace à mon titre de vice-championne au championnat du monde qui s’est récemment déroulé à Bled, en Slovénie, un bateau français est qualifié pour les Jeux. Mais celle qui l’occupera sera la meilleure issue des compétitions françaises; rien ne dit encore que ce sera moi… » Nathalie Benoit devra poursuivre l’entrainement, tout en travaillant à temps-plein, faute de « gros » sponsor.
Elle a toutefois obtenu une bourse de la Française des Jeux, qui l’a sélectionnée parmi d’autres pratiquants de sports peu ou pas médiatiques dans le cadre des 20 ans de son challenge. Résidant dans un bourg proche, Les Pennes-Mirabeau, elle s’entraine plusieurs fois par semaine à Marseille, entre le port de l’Estaque et Corbières, un parcours de deux kilomètres abrité de la houle par la digue du large. Et quand le temps ne le permet pas, elle travaille sur un ergomètre, un rameur avec ventilateur reproduisant l’accélération. Son club, le Cercle de l’Aviron de Marseille, fournit le matériel, prend en charge le bateau et couvre les frais de déplacement en compétition nationale. A l’international, c’est l’équipe de France qui gère : « La Fédération Française des Sociétés d’Aviron prend en charge la compétition de tous les sportifs, la Fédération Française Handisport comptabilise les avirons handisports. Tous les sports devraient être gérés comme ça, toutes les fédérations devraient fonctionner ainsi ! ». A égalité handis-valides.
Propos recueillis par Laurent Lejard, septembre 2011.