L’amour, la vie à deux et la naissance d’un enfant : voilà une réalité que les Maisons Départementales des Personnes Handicapées gèrent plus ou moins bien. Et plutôt mal dans le Val d’Oise, où réside Marie-Antoinette Vicaire. Elle y a rencontré l’amour avec Sébastien : on vous l’a raconté il y a tout juste quatre ans. Depuis, ils se sont mariés et un petit Alix est né, il y a 15 mois; déjà très autonome, comme s’il avait déjà compris qu’il devait se faire tout léger pour ses parents… Des parents qui pensaient pouvoir gérer au mieux les aides humaines dont Marie-Antoinette a besoin. La Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée (CDAPH) de la MDPH du Val d’Oise en a décidé autrement, au mépris du projet de vie demandé à Marie-Antoinette : après 14 mois de péripéties (narrées sur un blog) elle lui a accordé près de cinq équivalents temps-plein d’aides humaines, mais sans laisser à la famille la liberté de les gérer ainsi que la réglementation le permet. Marie-Antoinette souhaitait salarier son mari comme aidant : elle en a le droit, la CDAPH le refuse, n’accordant qu’un « dédommagement familial » équivalent à deux temps-plein payés à 29% d’une aide humaine salariée. La Commission n’accepte qu’un seul temps-plein en emploi direct, pour un salaire de 1.817€, et deux temps-plein en mode prestataire, coûtant l’équivalent de trois temps-plein en emploi direct !

Au terme de longs mois de dialogue difficile, Marie-Antoinette a obtenu le volume d’heures d’aides à domicile que sa dépendance nécessite. Mais la répartition de ces aides dépossède la famille de la gestion de sa vie, et ce pour des raisons difficiles à comprendre : l’emploi direct demandé par Marie-Antoinette faisait réaliser au Département 20% d’économies, tout en respectant la vie de famille et le choix de vie. Marie-Antoinette, qui aurait pu gérer les interventions de ses personnels, se voit imposer par un prestataire des aides humaines peu ou mal formées, aux horaires qui conviennent… au prestataire.

Une MDPH injoignable.

Contacter la Maison Départementale des Personnes Handicapées du Val d’Oise est un parcours du combattant qui rappelle le vieux sketch de Fernand Raynaud « Le 22 à Asnières » : le numéro de téléphone indiqué sur la page dédiée du site web du Conseil Général n’est plus en service ! Les appelants sont dirigés vers un numéro d’informations générales. Là, on indique que la directrice, Isabelle Du Couédic, répond à un autre numéro vers lequel (évidemment) il n’est pas possible de basculer l’appel… Enfin, au bout d’une longue d’attente à ce numéro, un correspondant annonce à son tour qu’il ne peut transférer l’appel à la directrice de la MDPH ! Une employée, contactée un peu plus tard, confirme qu’Isabelle Du Couédic ne peut être jointe par téléphone : « On peut communiquer par courrier », ajoute-t-elle…

Pas davantage de succès auprès du Médiateur du département du Val d’Oise, Robert Daviot : il est hospitalisé depuis peu et le dossier de Marie-Antoinette, « assez gros et conséquent » selon sa secrétaire, est dans la pile de dossiers qui attendent d’être étudiés depuis juin 2011 ! « Il est aussi maire, ajoute la secrétaire; je le ne verrai que début décembre. C’est la première fois depuis 2004 que le Médiateur est absent, cela n’a pas été prévu. » A son retour, Robert Daviot trouvera une masse de litiges concernant les relations entre personnes handicapées et MDPH, qui constituent la plupart des demandes adressées au Médiateur.

Finalement, après avoir saisi le Conseil Général, la directrice de la MDPH, Isabelle Du Couédic, apporte in extremis les précisions suivantes : « La CDAPH a décidé que le conjoint serait dédommagé au titre de la solidarité familiale. » Elle confirme le refus par cette Commission de salarier le mari en tant qu’aidant de son épouse, sans toutefois exprimer un avis sur l’éventuel caractère abusif de cette décision au regard de la réglementation. Et ajoute qu’un service d’aide à domicile vient s’occuper de l’enfant quelques heures dans la semaine, pour soulager le père. Mais Isabelle Du Couédic admet que c’est bien le père valide que l’on aide à s’occuper de son fils, et non la mère handicapée…

Aucune aide à l’handi-parentalité.

L’idée qu’une femme handicapée dépendante puisse être mère n’est manifestement pas entrée dans l’esprit des auteurs et législateurs de la loi de février 2005 : l’aide humaine pour s’occuper d’un enfant né d’une mère handicapée n’est pas prise en charge. En 2009, Valérie Létard alors secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, avait annoncé que cette question serait incluse dans la création du 5e risque Dépendance. Depuis, le sujet est tombé aux oubliettes et la situation demeure ubuesque : la réglementation fait que les aides humaines sont financées pour s’occuper d’une femme handicapée ne pouvant effectuer tous les actes de la vie quotidienne, à l’exclusion de son enfant ! Seule réponse de Roselyne Bachelot-Narquin, ministre chargée des personnes handicapées : l’augmentation, annoncée en juin 2012, du complément de libre choix du mode de garde d’un enfant.

Une travailleuse familiale a bien été proposée à Marie-Antoinette, mais aux frais de celle-ci, ce qu’elle ne peut assumer avec son unique revenu : l’Allocation aux Adultes Handicapés. Sans sourciller, le président de la CDAPH a même osé proposer une solution radicale : puisque le mari dit ne pouvoir s’occuper, à la journée et la nuit longue, de sa femme et de son fils, plaçons la mère dans un foyer et le fils dans une famille d’accueil ! A croire que le département du Val d’Oise veut faire payer, au prix fort, l’amour que se portent Marie-Antoinette et Sébastien, en brisant leur famille et en sacrifiant leur enfant sur l’autel de la bureaucratie.

Laurent Lejard, novembre 2011.

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