bientôt 37 ans, handicapée motrice depuis sa petite enfance, Akoko Folibey est depuis ses 14 ans une couturière de profession devenue par passion une styliste chevronnée et populaire à Djidjolé, un quartier de la ville de Lomé où se situe son atelier « Credaniah Coupe Nouvelle » logé dans la maison de ses parents. « J’ai débuté de prime abord ma carrière avec la couture et ce n’est que par la suite, avec l’assistance de Dieu, que je suis devenue aujourd’hui styliste, confie-t-elle. Depuis l’époque où j’étais apprentie couturière, je nourrissais déjà l’ambition de devenir styliste. Dieu a exaucé ma prière et je suis devenue aujourd’hui une styliste plus ou moins connue il y a 6 ans. » Mariée il y a 2 ans, sans enfant, elle a pour époux un enseignant qui a beaucoup d’admiration et de considération pour elle. « Je suis témoin de Jéhovah de religion. Ça se passe bien entre moi et mon mari et je remercie Dieu pour cela, car il est difficile de voir un homme valide accepter une femme handicapée dans son foyer. Notre religion joue aussi sa partition et recommande que les maris valides aient beaucoup de considération et d’admiration pour leurs femmes vivant avec des infirmités, et inversement. »

Une visite sur son lieu de travail permet de découvrir qu’au-delà d’un simple atelier de couture ou de stylisme, c’est une véritable entreprise de confection de mode dotée d’un salon d’accueil climatisé aux fauteuils rembourrés, que cette femme handicapée motrice a pu créer, avec au total près d’une vingtaine d’apprenties. La tâche n’est pas aisée : « L’impolitesse est en vogue chez les apprenties mais je dois dire que mon handicap n’est pas à l’origine de cette situation ! Je suis miséricordeuse et il ne m’est jamais arrivé de licencier une de mes apprenties quelle que soit la faute commise. »

L’exercice du stylisme exige beaucoup de créativité de la part de la personne qui l’exerce. Quelles sont donc les sources d’inspiration d’Akoko Folibey ? « Les toilettes et la douche constituent mes sources d’inspiration. C’est en me douchant ou lorsque je vais aux toilettes que j’imagine des modèles que je finis par traduire dans le concret ! ». Contrairement à d’autres familles à Lomé où les personnes vivant avec le handicap sont marginalisées, « Dame » Akoko Folibey a été chérie par ses parents qui ont pris sur eux la peine de veiller à son épanouissement dans la société. « Je suis handicapée mais cela ne m’empêche pas de faire tout ce que font les personnes valides. Mes parents ne m’ont pas éduqué à part; ils m’ont élevée comme si j’étais une personne valide et me corrigeaient au même titre que mes frères valides. »

Ce qui lui a valu aujourd’hui des distinctions suite à divers défilés auxquels elle a pris part. En effet, le décryptage du parcours d’Akoko Folibey, à travers la kyrielle de certificats exposés dans son salon d’accueil, démontre qu’elle a participé à divers événements de promotion de la mode sur le plan international. On retient entre autres sa participation à un défilé de mode organisé par l’ambassade des USA au Togo, au festival Elima, à la biennale de la mode (BIMOD), ainsi qu’au défilé de la foire Togo 2000 pour ne citer que ces exemples.

Au cours de sa carrière, Dame Folibey n’a pas été que participante, elle a aussi été organisatrice d’événements de promotion de la mode. On lui doit d’ailleurs les défilés de mode Credaniah qui se sont déroulés en 2010 puis août 2013, occasions au cours desquelles des dizaines de créations ont été présentées (une quarantaine pour la récente édition).

Malgré la persévérance et la détermination qui marquent son parcours, les partenaires, au premier rang desquels Handicap International, ont de la peine à lui venir en aide pour lui permettre de booster ses activités. Akoko Folibey ne désespère pas par rapport à son avenir dans le métier. Malgré le manque de sponsors, la couturière styliste a des ambitions: « J’ambitionne présenter de nouvelles collections chaque six mois si mes moyens me le permettent. J’envisage également soutenir des personnes handicapées en leur offrant une opportunité d’apprentissage gratuit de la couture dans mon atelier. »

Elle manifeste également le désir de transformer sa structure de stylisme en une ONG d’aide aux personnes handicapées. L’inclusion constitue la forme de politique adoptée par Akoko Folibey qui, dans son atelier, travaille avec des filles valides ou handicapées: la patronne communique avec ses apprenties aussi bien dans le langage oral que gestuel suivant les capacités de l’apprentie. Parmi elles, une handicapée physique et trois sourdes bénéficient de son soutien dans le cadre de leurs études. Akoko Folibey ne parle pas seulement de l’inclusion, elle la pratique au quotidien.


Louis Bararmna,
novembre 2013.

Partagez !