Avec ses 22 ans et son charmant minois, Lydie Raer a tout pour plaire. Sauf que sa petite taille et le fauteuil roulant sur lequel elle se déplace peuvent réfréner les sentiments, ce qu’elle a voulu apprécier « en immersion » dans le site de rencontres AdopteUnMec. « Mon but était très ludique, raconte-t-elle. Pour tester : des copains m’en avaient parlé. Ça consistait à parler de moi avec des hommes, pour discuter l’histoire d’un soir, puis je leur disais que j’étais en fauteuil roulant. Je voulais voir comment ils considéraient la femme handicapée, si elle avait toujours cette image de ‘pureté à préserver’. Des femmes handicapées m’ont dit que la femme handicapée est l’aventure d’un soir, mais pas celle que l’on présente à ses amis, sa famille. Mon expérience est inverse : l’été dernier, j’ai été draguée par un homme avec lequel j’aurais volontiers passé un moment, mais il s’est bloqué lorsque le je lui ai parlé de ma maladie des os de verre. »

Au quotidien, dans ses déplacements, Lydie a maintes fois remarqué, de la part des hommes, des regards d’envie de faire connaissance, et même de désir : « Je suis de nature réservée mais je vais volontiers au contact. Quand ils ne savent pas de quoi je suis atteinte, beaucoup d’hommes pensent que la femme handicapée n’a pas de sexualité, voire de capacité sexuelle, et ne connaissent pas le ‘mode d’emploi’. Ils ont une forte appréhension. Au début, ça m’a blessée, je ne m’attendais pas à de telles réactions. Pour moi, le handicap allait de soi, j’ai atterri au contact de la réalité ! Je pense que les personnes sont très franches derrière un écran d’ordinateur. Et d’ailleurs, il y a eu des commentaires très crus après l’article paru en avril dernier sur Rue 89. » Ce site d’information, qui avait en effet repéré le blog de Lydie, Porte-jarretelles & wheelchair, lui a donné l’occasion de le populariser en publiant l’un de ses textes.

Lydie s’est entre-temps désinscrite d’AdopteUnMec, site qui lui a néanmoins permis d’approcher trois hommes: le premier pour une relation d’un soir, avec le second cela n’a pas accroché, et elle rencontre régulièrement le troisième dans une relation à la fois affective, sensuelle et sexuelle. « C’est la vie! s’exclame-t-elle. Ils sont tous trentenaires; avec les petits jeunes, ça bloque, ils sont moins ouverts que les hommes plus âgés. Cela commence dès l’école, qui ouvre à la connaissance des personnes handicapées. Le problème, c’est l’éducation, et l’accessibilité des lieux de vie sociale, de culture. S’il y a de la mixité, il y a rencontre. L’idéal serait que la société soit inclusive. »

Agir pour les femmes handicapées.

Lydie veut poursuivre son blog, axé sur la sexualité des femmes handicapées, un double tabou. Elle l’a débuté en février 2014, en publiant quatre articles, et reprendra cette activité après ses examens partiels. Car Lydie est étudiante en troisième année de Droit européen. « Avant, j’avais fait une année d’études de musique, précise-t-elle. Je pratique l’accordéon diatonique et chromatique, j’en possède un qui a été fait sur mesure, il pèse neuf kilos. » Outre ce loisir, elle veut continuer à agir en faveur de la vie affective, sensuelle et sexuelle des femmes handicapées: « Je suis favorable à l’assistance sexuelle. Ce serait une bonne phase de transition, pour découvrir son corps, c’est mieux que rien. Des femmes handicapées m’ont dit qu’elles ne se sentiraient pas femmes jusqu’à ce qu’elles aient fait l’amour. »

Lydie participe également à un travail photographique sur l’image des femmes handicapées, monté par l’Association pour la Reconnaissance et l’Epanouissement de la Femme en situation de Handicap (Arefh) créée par la militante Amélie Laguzet : « J’ai eu connaissance du projet ‘Elles‘ par l’association Handiparentalité. Je suis féministe et pro-sexe, militante pour le droit des femmes à disposer de leur corps, mais j’étais un peu mitigée sur la perception du corps laid ou beau. Or un jour, dans une boutique où la lingerie était à l’étage, la vendeuse parlait à mon amie mais pas à moi; une autre vendeuse a tiqué lorsque j’ai voulu acheter un string. Alors j’ai décidé de participer au projet ! Amélie Laguzet veut montrer la singularité des corps des femmes handicapées, tous handicaps confondus. 50 femmes ont été sélectionnées, les séances photographiques sont en cours, il y a déjà des expositions partielles en régions. » Choix que Lydie assume pleinement et ouvertement : « Quand j’en ai parlé à ma mère et à des amis, ils n’ont demandé ‘pourquoi t’as besoin de te mettre à poil pour montrer que tu es une femme ?’. Mais personne ne m’a condamné pour autant. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2014.

Partagez !