Âgée de 33 ans, Monique Cugnot réside dans un village proche de Châlons-en-Champagne (Marne) avec son mari et ses deux enfants. Handicapée depuis une grave chute qui lui a fracturé le cou il y a trois ans, elle marche avec une canne, subit des douleurs permanentes et des problèmes d’équilibre résultant d’une altération de l’oreille interne. Après dix années d’employée bancaire, elle suit actuellement à distance une formation de journaliste auprès de l’Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) de Paris. Monique Cugnot est par ailleurs Ambassadrice de l’association Handi Model Grand Est depuis juin dernier, et a remporté le 3 mars dernier le titre de Miss Handi France 2019 lors du concours national organisé par Handi Model.

Question : Handi Model, c’est quoi ?

Monique Cugnot : Toutes les associations Handi Model, régionales et nationale, ont pour but de promouvoir le handicap visible ou pas, pour l’acceptation de soi et de son handicap. Elles organisent des shootings [séances] avec des photographes amateurs ou professionnels, des expositions des photos réalisées avec des handi modèles bénévoles femmes et hommes, atteints de handicaps visibles ou non. Il n’y pas de limite d’âge, il faut simplement être majeur. Nos associations organisent également des événements culturels, et le concours Miss et Mister Handi France dans les régions où elles existent. Ce qui me tient à coeur, c’est d’aller à la rencontre du public et des médias, pour les sensibiliser au handicap et notamment à ceux qui sont invisibles, redonner de l’espoir à ceux qui n’acceptent pas leur handicap. Je veux montrer qu’on peut concrétiser ses rêves, mener à bien ses projets même les plus fous. Je suis debout, je me déplace avec une canne, on pourrait croire que c’est temporaire mais malheureusement ça ne l’est pas.

Question : Cela veut dire qu’en 2019, au moment où on parle de société inclusive on en est encore loin?

Monique Cugnot : On en est encore très très loin. Il y a eu des efforts, si on regarde vingt-trente ans en arrière, mais quand on est concerné, qu’on a des obstacles pour tout dans l’inclusion professionnelle, dans l’éducation de la maternelle à l’université, on constate que les places sont chères dans les structures qui sont adaptées. Il n’y a pas assez d’aide, d’accompagnement. Par exemple, la Maison Départementale des Personnes Handicapées met plus de six mois pour renouveler une reconnaissance du handicap, et un an et demi pour obtenir un fauteuil roulant adapté ! Il est aberrant de voir qu’en 2019 en est encore là.

Question : C’est ce contexte difficile qui vous a conduit à vous engager au sein d’Handi Model et à mettre en avant votre physique et votre personnalité ?

Monique Cugnot : Oui, complètement. J’ai débuté au sein d’Handi Model Grand Est en tant que bénévole polyvalente, j’aidais la présidente pour la communication et les relations presse. Petit à petit, j’ai commencé à faire des photos puis je me suis inscrite au concours Miss et Mister Handi. A ma grande surprise, j’ai remporté l’écharpe, et je me suis découvert une vocation ! Je n’avais pas accepté d’être handicapée après une lourde intervention chirurgicale, alitée pendant quatre mois à la vue de mon mari et de mes enfants, j’ai réappris à marcher avec un déambulateur, et un gros appareillage autour du cou et de la tête, je ne l’acceptais pas. La photographie m’a beaucoup aidée, c’est pour cela que j’ai voulu poursuivre l’aventure. Quand on côtoie d’autres personnes en situation de handicap, on remarque les regards lourds qui se posent sur nous, on voit les gens échanger entre eux à voix basse. Pour faire évoluer ces regards, il faut déjà arrêter de discriminer, de nous montrer du doigt. Le handicap n’est pas contagieux, le fait de s’installer à côté d’une personne en situation de handicap ne porte pas malheur !

Question : Comment avez-vous surmonté les impacts du handicap sur votre féminité ?

Monique Cugnot : Faire des photos a été une véritable thérapie pour accepter mon polyhandicap. J’ai commencé avec mon déambulateur dans les mains, j’ai continué avec ma canne de marche. Il y a un jeu qui se met en place avec la photographe, une certaine confiance, une complicité. Physiquement, comme beaucoup de femmes, je trouve que j’ai énormément de défauts. La photographe m’a mise à l’aise et m’a appris à surmonter mes peurs des préjugés, d’être discriminée. Parce que se montrer quelque part à nu avec son déambulateur, c’est quelque chose. Cette photographe et ses confrères m’ont appris à mettre carrément en valeur mon handicap. C’est un travail de longue haleine que je continue à faire. J’invite toutes les personnes en situation de handicap à être handi modèle, pour accepter son handicap, ses défauts, apprendre à se mettre en valeur. Nous aussi, on le droit de porter de jolis vêtements, de briller. C’est comme ça que j’arrive à allier handicap physique, beauté, élégance et féminité.


Propos recueillis par Laurent Lejard, avril 2019.

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