Selon les chiffres de l’Organisation des Nations-Unies, les femmes en situation de handicap risquent deux fois plus de subir des violences conjugales que les autres femmes. Pensez vous que ces femmes sont épargnées par le confinement ? J’ai des doutes… De nombreuses femmes autistes ont contacté l’Association Francophone de Femmes Autistes (AFFA) pour savoir si ce qu’elles vivent à domicile était normal. Presque toutes décrivent des violences conjugales ou familiales ou un viol. Aussi, pour beaucoup de personnes en situation de handicap, leurs soins ou accompagnement ont été mis en attente, comme si le coronavirus avait mis en sourdine tous les problèmes médicaux ou autres. Cette perte de contact auprès de professionnels de santé ou de leur accompagnant de confiance ne leur permet plus d’être encouragées à exprimer ce qui se passe au domicile. Une personne dépendante, nécessitant un accompagnement du conjoint ou de la conjointe pour les soins courants du quotidien, n’aura peut-être pas d’autre choix que de garder le silence et ce même si les numéros d’urgence 17 et 114 existent. Ce numéro 114, conçu pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques, dysphasiques, est aujourd’hui mis à disposition pour toute victime, plongée dans le silence des mots et confinée avec son bourreau. Ainsi, elle peut appeler les secours et être entendue sans émettre le moindre son. Penser aux plus vulnérables d’entre nous, permet de répondre à l’ensemble de la population et ce quelque soit la situation à l’instant T.

Par le passé, nous avons régulièrement alerté sur les conséquences du huis-clos où l’abri des regards favorise les violences en toute impunité, comme si tout était permis à l’agresseur, pouvant aller de la violence verbale, psychologique, physique à l’agression sexuelle. Il nous a été souvent rappelé que nous voyons le mal partout. Qui oserait faire du mal à une personne en situation de handicap ou en situation de vulnérabilité ? « Surtout pas ceux censer les protéger ! » (Sic).

Des constats sans suite.

Lors du confinement, le nombre d’appels au 119 (dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger ou en risque de l’être) a explosé de 89%, signalant des violences intrafamiliales faites aux enfants par des parents censés les protéger. Enfants victimes de violences à l’abri des regards, tel un huis-clos que de nombreux enfants et adultes en situation de handicap vivent au quotidien.

Différents travaux sur ce fléau ont été entrepris : l’alerte en octobre 2019 de la délégation aux droits des femmes du Sénat, présidée par Annick Billon, qui a amené le Sénat à adopter à l’unanimité le 8 janvier dernier, une proposition de résolution pour dénoncer l’invisible et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap ; le Grenelle des violences conjugales et l’élaboration du Livre blanc de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale, présidée par Marie-Pierre Rixain, avec une prise en compte de la voix des femmes en situation de handicap dans les politiques publiques; le travail mené par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) rattachée au secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations avec la création d’outils pour lutter contre les violences faites aux femmes en situation de handicap; le rapport publié en octobre 2019 par le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur l’action contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Grevio), inclut la nécessité de renforcer une prise en compte de la vulnérabilité aux violences faites aux femmes en situation de handicap en France; ou encore Inclusion En Marche [collectif thématique handicap d’adhérents du parti présidentiel La République En Marche NDLR] favorable à la désindexation des revenus du conjoint ou de la conjointe pour calculer l’Allocation Adulte Handicapé et ainsi réduire une dépendance économique propice aux violences conjugales. Malgré tous ces travaux, peu de concrétisation par ceux qui sont censés protéger les personnes en situation de handicap.

Les violences sont également confinées.

En ce temps de confinement, un environnement propice aux maltraitances conjugales et intrafamiliales, les violences endurées par les personnes en situation de handicap sont ignorées voire passées sous silence, comme si on avait oublié que le handicap accroît le risque d’en vivre. C’est un peu comme si le sujet violences-handicap restait sous omerta pour ne pas nuire à ceux qui les camouflent. Une erreur qui en temps de confinement ne pardonne pas et met en lumière l’inaction passée. N’être ni du coté du loup ni du coté de l’agneau, c’est servir les intérêts du loup. Les conséquences sont dévastatrices tant pour l’humain que politique. Une urgence dont chacun aurait dû se saisir pour se désolidariser du loup. Certains l’ont fait, d’autres non.

La personne en situation de handicap c’est aussi l’enfant. Cet enfant qui, comme tout autre, peut subir des violences intra-familliales ou institutionnelles. Ces enfants en situation de handicap ont des facteurs supplémentaires de vulnérabilité par rapport aux autres enfants. Quid des violences qu’ils peuvent subir en période de confinement ? Malgré les travaux menés par le secrétariat d’État chargé de la protection des enfants, il ne serait pas étonnant qu’ils se retrouvent confrontés à ceux qui nourrissent les intérêts du loup.

Un monde ne se construit pas « pour » une société mais « avec » tous ses individus sans laisser ce qu’il y a de plus abject dans l’ombre. Il ne se construit pas non plus autour de relations de connivence au risque de s’éloigner de l’intérêt collectif. Il est urgent de repenser à un nouveau monde sans reproduire les contre-sens du passé ! 

Et si on commençait par penser aux conséquences de nos agissements en mettant du bon sens dans nos actions ? 

Marie Rabatel, présidente de l’Association Francophone de Femmes Autistes (AFFA), mai 2020.

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