Elle nage vite, Ludivine, et à 22 ans dispose déjà d’un palmarès impressionnant. La natation, elle y est venue parce que son prothésiste lui avait conseillé d’avoir une activité sportive. « Arrivée au Collège, je ne pouvais plus faire de sport avec mes camarades de classe, c’était trop physique. J’aimais l’eau, j’avais appris à nager, je suis allé participer à une journée portes ouvertes consacrée à la natation handisport ». A l’âge de 11 ans, elle plonge dans une piscine et découvre le monde des personnes handicapées : « Je m’attendais à autre chose. Quand on est petit, on imagine toujours les personnes lourdement handicapées, en fauteuil, on noircit un peu le tableau. Je me suis rendu compte que les nageurs étaient des gens comme moi, qui rigolent, s’amusent, font des études, vivent comme tout le monde, et ça m’a fait du bien. Cette ambiance m’a donné envie de rejoindre l’équipe de France ». Stimulée par les récits des Jeux Paralympiques de Barcelone 1992, il ne faudra que deux ans à Ludivine pour atteindre son objectif et commencer à engranger titres et médailles : « Je suis arrivée à une bonne époque, dans ma catégorie la concurrence n’était pas très élevée et j’avais des prédispositions pour la natation, physiquement j’étais assez musclée ».

Avant d’entrer en handisport, Ludivine ne connaissait pas vraiment le handicap, elle a effectué toute sa scolarité dans des établissements traditionnels, dès la première année de maternelle. Le bras et la jambe qui ne lui ont pas été fourni à l’état standard du fait d’une double agénésie, sont remplacés par des prothèses : « parfois, des gens me demandent si je nage avec », s’amuse notre nageuse. « Le fait de se mettre en maillot de bain devant tout le monde est une façon de s’accepter soi- même, surtout à l’adolescence. J’ai fait ce travail avec mes parents, en apprenant à me mettre en short ou en robe. Je n’ai pas été freiné par ma famille : j’ai fait du vélo, du patin à glace, du ski. Mon frère le faisait alors pourquoi pas moi ! ». Ludivine a pu réaliser ses désirs, assumer ses envies : « Mes parents ont eu tellement peur que je me pose des questions qu’il ne l’ont pas fait à ma place. Quand ils ont eu peur pour moi, ils me l’ont dit après »…

Voir passer en ville une jeune femme en jupe et prothèses peut néanmoins susciter des regards appuyés, potentiellement perturbants. « Même si notre société a bien évolué, il y a parfois un regard de curiosité, mais rien d’agressif. Parfois, des personnes peu attentives parlent sans réfléchir, font des boulettes comme confondre un plâtre et une prothèse de bras ».

Ludivine vit de manière indépendante. « Mes parents sont restés dans l’Ain, j’habite seule depuis ma première année de faculté ». Elle poursuit des études de droit des affaires, en préparant un DESS de management à l’Institut d’Administration des Entreprises d’Aix- en- Provence, et se destine à un emploi de juriste d’entreprise, délaissant l’avocariat, résultat d’un choix. « Mon engagement dans la compétition de natation ne me permettait pas de suivre avec suffisamment de rigueur et d’attention des études de Droit trop exigeantes. Et je me sens plus à l’aise dans un milieu technique, plus professionnel, proche de l’industrie ». A partir du mois d’octobre, Ludivine va chercher son premier emploi avec un peu d’appréhension. « Travailler, c’est le grand saut : est- ce que je serais capable de faire ce que l’on me demande; pas au niveau physique, sur le plan intellectuel ? ». Elle estime, par contre, ne pas devoir rencontrer de difficultés à trouver un emploi : « Avec l’année des personnes handicapées, je pense que les tabous ont été dépassés grâce à la publicité qui nous a été faite. Les gens ont pris conscience qu’on faisait partie de leur entourage et qu’on était capable de faire presque la même chose qu’eux ». Tout en assumant ses capacités particulières : « Je ne nie pas mon handicap, il y a des choses que je ne peux pas réaliser, comme trois kilomètres à pied pour faire ses courses ».

Si Ludivine entend privilégier sa carrière professionnelle après les Jeux d’Athènes 2004, elle assume également sa vie de femme, sereinement, sans précipitation, souci ni tabou : « J’ai eu des petits amis, il suffit que la personne sache à quoi s’attendre et qu’elle m’accepte comme je suis ».

Laurent Lejard, mai 2003


Quelques données complémentaires et quelques photos sont disponibles sur le site personnel de Ludivine Loiseau.

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