La marionnette, c’est souvent de la magie pure. Dans le noir, on se demande comment vivent les personnages; les plus grands croient que le secret réside dans la dextérité des manipulateurs alors que les petits se laissent facilement emporter par l’action et s’identifient au protagoniste. C’est la démarche choisie par Michel Rosenmann, metteur en scène d’Un petit frère pas comme les autres. Adapté d’un livre de Marie- Hélène Delval (paru aux éditions Bayard), le spectacle veut changer le regard porté par les enfants sur ceux qui sont touchés par la trisomie. Il nous conte la vie d’une famille de lapins dont le petit dernier est « différent » : il parle mal, fait pipi sur lui, ses copains Blaireau et Renard se moquent de lui, sa soeur tente de l’aider maladroitement. Il finira par aller à l’école, à parler, à vivre au milieu des autres et même à se « venger » des humiliations subies. Les péripéties sont racontées par deux comédiennes qui manipulent les marionnettes à vue et disent leurs textes. « Quand on explique aux petits des choses qu’ils ne comprennent pas, elles restent théoriques » précise Michel Rosenmann. « Par l’exemple, il est plus facile aux parents de faire comprendre à leur enfant ce qu’est la trisomie en disant ‘tu vois, il est comme Doudou Lapin ». Larissa Cholomova, l’une des deux comédiennes, ajoute : « des parents m’ont dit que le spectacle était proche de la réalité de leur vie et qu’il les avait aidé à mieux accepter les différences ». Un public qui répond à l’appel : « Un petit frère pas comme les autres » a dépassé les 600 représentations depuis sa création !
C’est encore parmi les animaux que nous emmène « Souris souris- rat » : une souris amputée d’une patte arrière s’est construit un quotidien « adapté » qu’un gros rat lourdaud viendra chambouler. Ces deux personnages apprendront à se connaître, à s’entraider et partiront ensemble à la découverte du reste du monde quand la tempête détruira leur tanière douillette. La souris y gagnera, après d’épiques expérimentations, une prothèse qui palliera son amputation. L’action, sans parole, est accompagnée d’une musique expressive. « Est- ce que c’est une vraie souris, pourquoi elle a pas sa patte ? » dit un enfant. Là encore, l’identification est forte : au-delà de l’apparence physique, on peut s’entraider, vivre ensemble, s’aimer.
La tolérance est aussi au coeur du « Nain et le Baobab » : l’histoire nous emmène au Mali, au coeur des tabous et des superstitions africaines. Dans la tradition Dogon, le nain n’a pas d’âme: pourquoi, on ne sait pas, c’est comme ça parce que les anciens l’ont dit et le perpétuent, c’est le poids de la tradition, celle qui est le pilier de la culture des Dogons et un obstacle à son entrée dans la modernité. Tradition que va combattre le nain Innedunu, paria comme l’est celle qu’il aime dans le secret de son coeur, la belle Mogninimé qui habite un village voisin et donc ennemie. Celle- ci est séduite par le costaud Amani qui sera banni par les siens pour cela. L’errance des trois exclus est ponctuée par les rites ancestraux, le culte des ancêtres, les apparitions des Génies. Alors que les amis d’Amani fréquentent l’Université de Bamako et écoutent de la musique moderne ! Absurde non ? Ici, le propos dépasse le cadre strict du handicap, on aborde l’absurdité des préjugés, l’obscurantisme séculaire qui prend forme dans le rejet de celle ou de celui qui est différent, qu’il soit plus petit que la normale ou plus simplement habitant du village voisin. Un propos plus complexe, sur un thème plus controversé aussi : la critique est formulée par des européens (le texte original, un roman pour enfants, a été écrit il y a plus de quarante ans par Jacqueline Cervon) qui mettent en scène les aspects négatifs de la tradition africaine. Qu’en retiendront les petits spectateurs ?
Mais au-delà de leur propos édifiant, et parfois maladroit, il émane de ces spectacles un enchantement et une poésie propres à l’univers de la marionnette: des moments qui nous font souvent regretter d’être devenus grands…
Laurent Lejard, septembre 2001
Contacts utiles :
Un petit frère pas comme les autres : Action Théâtre Enfance, 7 rue Willy Brandt, 92110 Clichy – Tél : 01 47 37 02 43 – Fax : 01 42 70 64 03 – Email : ateinfo@multimania.com.
Souris souris-rat : Théâtre Exobus, 854 rue d’Allou, 45640 Sandillon – Tél/Fax : 02 38 41 06 42
Le Nain et le Baobab : Tara Théâtre, 23 rue de la Balance, 31000 Toulouse – Tél : 05 61 62 27 10 – Fax : 05 61 63 15 67.