L’Allocation d’Éducation Spéciale peut être perçue par les parents d’un enfant handicapé, quasiment de la naissance jusqu’à l’âge de 20 ans (parfois moins dans certaines conditions, lire sur Handroit cette fiche d’information à jour). La dernière statistique officielle connue nous informe qu’en 1999 elle était versée pour 103.638 enfants, dont 99.684 vivant en Métropole (source : FNORS). L’AES a été récemment réformée par le gouvernement Jospin : pour simplifier, disons que l’allocation est devenue davantage encore modulaire, à son montant de base est adjoint un complément déterminé en fonction de l’invalidité de l’enfant et de sa dépendance.

Un questionnaire intrusif.
 Aux deux documents habituels et normalisés, commence à être adjoint un questionnaire destiné à évaluer les besoins de l’enfant en soins, aides à domicile ou techniques, dépenses supplémentaires liées au handicap. Émanant du ministère des Affaires Sociales, de l’Emploi et de la Solidarité (plus précisément, de sa Direction Générale de l’Action Sociale – DGAS), il comporte douze rubriques aux questions extrêmement précises. Exemples : « Des soins nécessaires à votre enfant sont- ils effectués par vous- même, lui- même ou une autre personne ? Précisez les soins concernés ainsi que leur fréquence (nombre de fois par jour, par semaine,…), leur durée (en précisant par jour ou par séance), la (les) personnes qui les effectuent, et le lieu (domicile ou autre) », « Votre enfant doit- il suivre un régime alimentaire particulier ? Précisez les difficultés que ces contraintes entraînent au quotidien, et s’il s’agit de l’interdiction de certains aliments ou d’horaires particuliers, ou d’une fréquence particulière des repas ou de produits spéciaux ainsi que la personne qui prépare les repas et le lieu où ils sont pris », « Autres frais : Précisez ici les autres frais qui ne trouveraient pas place dans les rubriques ci- dessus : pour chacun détaillez les motifs, le lien avec le problème de santé de l’enfant, la part restant à votre charge (exemple : bris fréquents de lunettes, usure prématurée des vêtements…). Joignez tous les justificatifs utiles : préconisation ou prescription, facture, etc. »

Les Commissions Départementales de l’Éducation Spéciale ont reçu ce questionnaire et doivent l’utiliser pour l’instruction de toutes les demandes d’AES, qu’elles portent sur une première attribution ou concernent un renouvellement. Quelques familles commencent à s’émouvoir de l’ampleur de la tâche qu’on leur demande d’accomplir pour documenter ce questionnaire : retracer tout ce dont leur enfant a besoin, fournir attestations, fiches de salaire, devis, facture acquittée, avis spécialisé ou préconisation…

A la DGAS, Katia Julienne confirme bien que ce questionnaire vient s’ajouter aux formulaires existants, mais la conversation tourne court dès que l’on évoque les conditions de fonctionnement des CDES. Combien d’entre elles disposent- elles d’un médecin chargé de recevoir les enfants, notamment lors d’une première demande ? Le ministère ne verrait- il pas dans ce questionnaire, qualifié par quelques parents « d’inquisitorial et machiavélique », un moyen de faire effectuer le travail d’évaluation des besoins par les familles elles- mêmes ? Lesquelles doivent le documenter si elles veulent percevoir l’allocation, et se satisfaire du « secret professionnel » qui couvre les informations communiquées pour passer la dignité de leur enfant par pertes et profits, un enfant réduit à une fiche technique de besoins à remplir et financer.

Les directeurs des CDES se réunissent le 25 juin 2002 pour évaluer la mise en application de la réforme de l’AES. Le questionnaire sera certainement à l’ordre du jour : instaurée dans la précipitation (le décret d’application a été publié le 29 mars pour mise en oeuvre dès le 1er avril), on pourra pardonner à la réforme de l’AES cette erreur de jeunesse… si elle est rectifiée.

Jacques Vernes, juin 2002.

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