La vie d’Olivier Raballand et de son épouse a été bouleversée par l’arrivée d’un enfant pas comme les autres, Paul, né trisomique il y a huit ans. « La naissance d’un enfant handicapé était au départ une vraie mauvaise nouvelle, cela nous faisait basculer dans un monde inconnu ». Comme la plupart des parents, ils ne connaissaient pas le handicap et en avaient peur. « Mon attirance n’allait pas vers les personnes handicapées, ce n’était pas un choix raisonné, c’était simplement comme ça. J’avais pourtant croisé des personnes handicapées mentales, dans un foyer- château qui faisait de la restauration d’entreprise, un peu cohabité mais pas vécu au milieu d’elles ».
La vie de Paul a débuté sous l’angle du handicap, des difficultés et des contraintes. « Le seul propos réconfortant provenant des médecins était ‘mais ils sont affectueux’ en parlant des enfants trisomiques. J’ai d’abord ressenti ça comme de l’animalité : mon chien est affectueux, mon chat ne l’est pas. Les médecins connaissent la trisomie de manière technique, sans valoriser les potentialités de la personne. Pour eux, la naissance d’un enfant trisomique est de l’ordre de l’échec de la médecine. Avec un enfant valide, ils n’ont pas à s’occuper de le valoriser aux yeux des parents ». Depuis son opération du coeur à l’âge d’un an, Paul vit à l’écart du monde médical.
« Durant les trois premières années, on n’avait fait peu de choses. On a voulu ensuite retrouver le goût des loisirs et des sorties en famille. Les difficultés physiques et intellectuelles que Paul rencontre pour nager ou skier comptent quand même moins que la manière dont les autres le regardent ». Pourtant, l’apparition positive de personnages trisomiques dans des films à succès tel « Le huitième jour » ou la série télévisée « Corky » a contribué à donner une autre représentation, une image d’intégration. Olivier Raballand tempère : « J’ai l’intime conviction que les films ne sont pas suffisants. Quand on n’est pas concerné, on ne les regarde pas forcément. Les personnes handicapées vivent dans un autre monde même si des actions d’intégration se mettent en place. La question du regard se pose dès l’école : à la Maternelle, Paul était le seul enfant handicapé dans toute l’école. Dès le départ, il y a une vie à part ».
Pourtant, Paul et sa famille résident dans une région active en matière d’intégration et d’accessibilité, les environs de Nantes. « Je mesure la différence et la volonté politique par rapport à d’autres agglomérations, dans le domaine de l’accès aux loisirs ou aux transports par exemple ». Les parents de Paul voulaient choisir l’école la plus appropriée mais leur choix s’est fait par défaut: seule l’école publique a accepté leur fils, les deux autres ayant opposé un manque de place ou de moyens. Soupçon de discrimination ? Olivier Raballand ressent encore ce malaise du non- dit, même si la scolarité de Paul s’est bien déroulée. Olivier a tenté de mettre Paul en Centre aéré, son fils y a été accueilli mais sans qu’un encadrement particulier soit mis en place. « Paul est assez espiègle, il se balade partout, il avait besoin de davantage d’attention. Nous avons donc décidé de le confier à Loisirs Pluriels qui reçoit moitié moitié enfants valides et handicapés avec un encadrement adapté ».
Le père de Paul ne s’est pas rapproché des associations de personnes handicapées et apprécie le mouvement de désinstitutionalisation qui a eu lieu en Italie : « Les personnes handicapées se retrouvent dans la vie en général. Cette vie en commun et cette visibilité semblent impossibles en France. Je ne suis pas forcément objectif; dans les années 1970, des associations ont créé des structures d’accueil pour assurer les prises en charge des enfants. Aujourd’hui, elles me semblent empêcher l’intégration parce qu’elles ont généré un système économique qu’il faut faire vivre ». En écrivant Grandir, Olivier Raballand a voulu « refaire le chemin pour expulser ma douleur. Il m’a fallu près de 3 ans pour revivre ces épisodes et pouvoir les écrire ». A vous de les partager…
Laurent Lejard, novembre 2003
Grandir est auto-édité par Olivier Raballand, 36 rue de la Commune 44400 Rezé. Prix : 15 euros port compris.