La rentrée 2005 des enfants et adolescents handicapées était à la fois très attendue et placée sous haute surveillance. D’un côté, l’inscription dans l’école de proximité devenait la règle, de l’autre deux associations lançaient un appel aux parents confrontés à des difficultés : l’Association des Paralysés de France (A.P.F) et l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés (A.P.A.J.H) ont récolté leurs témoignages durant les semaines qui ont suivi la rentrée scolaire, au moyen de services d’écoute téléphonique. Peu d’appels reçus, au final : une centaine à l’Apajh et une vingtaine seulement auprès de l’A.P.F.

« En 2003, nous avions reçu 250 appels en dix jours lors d’une opération similaire », affirme Christian Caron, en charge du sujet au sein de l’A.P.F. Qui se demande ce qui explique cet écart : « Est-ce que les parents sont mieux informés, qu’Handiscol fonctionne mieux, ou qu’il y a moins de problèmes cette année ? ». Peu d’écueils, semble-t-il, mais graves ou incompréhensibles pour les parents. Par exemple, un enfant incontinent qui entre en 6e ne dispose d’un auxiliaire de vie scolaire (A.V.S) que pour un 3/4 temps. « L’incontinence, rappelle Christian Caron, quand elle se produit devant les autres, génère une profonde humiliation chez l’enfant. Et les parents ont l’impression de subir une décision arbitraire, sans avoir été écoutés ». Christian Caron cite d’autres exemples : un projet mixant classe d’intégration scolaire et cours à distance via le Centre National d’Enseignement à Distance (CNED), et pour lequel un seul transport scolaire est accordé à l’enfant chaque semaine. Ou un élève accueilli en Classe d’intégration scolaire mais avec un seul transport par jour, au lieu de deux. Côté positif, l’A.P.F n’a pas eu connaissance de refus d’inscription d’un enfant handicapé à l’école de son quartier, fut-ce en maternelle. « Les Inspecteurs d’Académie agissent en fonction des instructions qu’ils ont reçues; ils ont travaillé en liaison avec les Inspecteurs de circonscription ou spécialisés », précise Christian Caron.

Dans un contexte de grande morosité, les enseignants sont dans une « attente positive » vis-à-vis de l’intégration scolaire, tout en restant attentifs sur les moyens et les conditions de travail : « Des notifications ne sont pas toujours respectées en matière de condition de scolarisation, que cela concerne le matériel ou les aides humaines. Les parents ne peuvent entendre cela. Il faut avoir aussi le courage de dire que des enfants n’ont pas leur place à l’école », conclut Christian Caron,qui dresse un bilan positif et se dit « agréablement surpris » par cette rentrée 2005.

A l’APAJH, on estime à une cinquantaine le nombre d’appels significatifs : « Les cas qui nous remontent sont très difficiles », estime son président, Fernand Tournan, qui met le faible nombre de réactions parentales sur le compte d’une communication tardive du Gouvernement quant aux conditions d’application de la loi de février 2005 à la rentrée scolaire de septembre dernier. Le Député Guy Geoffroy, qui vient de présenter au Premier Ministre un rapport dressant l’état des actions à conduire en la matière, en donne une autre : « A ce jour, les constats de la rentrée 2005 n’aident pas beaucoup à mesurer le degré d’applicabilité d’une telle mesure, tant il y a d’écart entre les intentions affichées et la capacité au ‘renoncement’ qu’une telle révolution culturelle, sociale et éducative induit. Il est vrai, de surcroît, que la plupart des dispositions de la loi du 11 février ne seront applicables qu’au 1er janvier 2006 et que d’aucuns attendent la création effective des Maisons départementales des personnes handicapées et la mise en place des nouvelles Commissions des droits et de l’autonomie ».

Chargée du suivi de la rentrée scolaire au sein de l’APAJH, Anne-Claire Patriat fait essentiellement état de difficultés liées à l’attribution éventuelle d’un A.V.S; elle n’a pas constaté à cet égard de disparités régionales : « Nous n’avons pas été saisis de problèmes liés à l’accessibilité aux locaux scolaires. Par contre, nous avons le cas d’élèves disposant de matériels adaptés, notamment informatique, sans A.V.S aidant l’élève à les utiliser ». L’APAJH constate également quelques difficultés dans l’attribution d’A.V.S à des enfants entrant en maternelle : « Dans les Bouches du Rhône, un enfant infirme moteur cérébral s’est vu notifier un A.V.S qui n’était pas présent à la rentrée. Dans le Rhône, trois enfants de classes maternelles n’ont pas eu d’auxiliaires ».

Les incidents de rentrée scolaire portés à la connaissance de l’A.P.F et de l’APAJH apparaissent isolés, comme le sont, au final, ceux qui touchent d’autres élèves valides. On peut en dresser le bilan en paraphrasant les enseignants d’une Éducation Nationale souvent décriée : « En progrès constant, mais peut encore mieux faire »…

Laurent Lejard, novembre 2005.

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