Selon une enquête de l’O.N.G Inclusion International publiée en mars 2006, « La prise en charge de la personne handicapée reste dans la plupart des cas le rôle essentiel des familles. L’enquête menée au niveau européen montre que presque 60% des personnes handicapées vivent dans leurs familles. Des taux très élevés sont enregistrés en Grèce, au Portugal et à Chypre par exemple ». Familles qui peuvent, dans quelques pays, bénéficier de services d’accueil temporaire du parent handicapé dont elles ont la charge. C’est ce qui a émergé des débats de la 5e conférence internationale de l’accueil temporaire qui s’est tenue à Paris en septembre 2006.

Ainsi, le Royaume Uni dispose de plus de 220 Centres de soutien pour les aidants, placés sous l’égide et le financement des autorités locales sociales et médicales. Ils comprennent notamment un service de garde ou de répit, un centre d’accueil de jour et un groupe d’entraide. « Ils ont vocation à proposer différents types de breaks [pauses] et de respite care [accueil avec soins] pour les aidés et les aidants, précise la sociologue Christine Bon. Ils sont chargés de recenser, d’organiser, de mettre en oeuvre et de promouvoir dans la communauté locale des services flexibles et souples qui comblent à la fois les besoins des personnes aidées les plus vulnérables, en matière de sorties du domicile et d’activités de loisirs, et les besoins de leurs aidants en matière de soulagement de la responsabilité et la charge en soins pour une période limitée dans le temps ». Depuis 2001, une allocation peut être versée aux enfants de plus de 16 ans et aux familles afin qu’ils choisissent eux-mêmes les services de soutien et d’aide qu’ils souhaitent; un système de coupons permet de payer des séjours de pause de court terme pour soulager les aidants familiaux. Cette politique compense le retour dans leur familles de nombreuses personnes handicapées hébergées en hôpitaux de long séjour, établissements qui ont massivement été fermés durant les années 1980, victimes de la piètre qualité du service public de santé britannique et de compressions budgétaires. Actuellement, l’accueil temporaire repose sur des familles accueillant enfants ou adultes, des services résidentiels comptant 4 à 10 lits, des services d’accompagnement dans une activité (befriending) ou de garde à domicile. Selon le Docteur Carol Robinson « environ 30% de familles avec un enfant sévèrement handicapé et 12% d’adultes handicapés intellectuels sévères obtiennent de l’accueil temporaire »; elle rapporte les critiques de personnes handicapées qui estiment que les activités proposées ne sont passez diversifiées, et les services souvent isolés.

« En Allemagne, précise le Professeur Michel Fardeau, un couple parental peut bénéficier d’un congé de 10 jours pendant lequel l’enfant handicapé est accueilli temporairement dans une structure spécialisée, toujours la même pour qu’il puisse s’y construire des repères ». Deux possibilités sont offertes, dans l’attente d’une législation complémentaire : l’accueil temporaire institutionnel et l’accueil de jour. En Suède, les dispositifs d’accueil temporaire, de répit, ont été très développés. « Une Maison d’Accueil temporaire comme celle de la Fondation Agrenska à Göteborg, poursuit Michel Fardeau, représente probablement une sorte de modèle. Créée en 1989 comme un prolongement du département de neuropédiatrie pour les enfants atteints d’infirmité motrice cérébrale, elle est devenue aujourd’hui un centre multifonctionnel pour les familles d’enfants atteints de maladies rares. Elle fonctionne comme une ‘maison de répit’ durant les week-ends et les congés scolaires pour une trentaine d’enfants. Elle organise des camps de vacances, […] des séjours de rencontre entre familles partageant les mêmes pathologies, de façon à favoriser l’échange d’expériences ». Des maisons d’accueil temporaire de ce type sont distribuées, à l’échelle des communes, sur le territoire suédois. Chaque personne y a « sa » chambre, qu’elle retrouve à chaque séjour, avec ses effets personnels, ses photographies, etc. L’accueil temporaire à domicile connaît en Suède un engouement certain, selon Lennarth Johansson : « Un nombre croissant de municipalités offre gratuitement ce service. Quelques municipalités ont également développé des prestations occasionnelles en vue d’offrir aux aidants familiaux un soulagement ponctuel de 24 heures ».

En dehors des autres pays scandinaves (Norvège, Finlande et Danemark), les réalisations sont encore peu nombreuses en Europe, et généralement de caractère privé. En Estonie, les services d’accueil temporaire sont principalement fournis dans des institutions gérées par l’Etat, expose Agne Raudmees, de l’Organisation Estonienne de Soutien pour les Personnes Handicapées mentales : « Le service d’accueil temporaire est très cher, le coût mensuel y compris l’alimentation est presque égal à la moitié d’un salaire moyen. Ce type de prestation est surtout utilisé par des personnes âgées ». La Hongrie, qui s’est dotée en 1998 d’une législation en faveur des personnes handicapées peu respectée par les pouvoirs publics, ne dispose d’aucune structure d’accueil temporaire. Seuls des centre de type garderie existent, pour la journée.

Aux U.S.A, la situation varie d’un Etat à l’autre. La solution la plus économique pour les familles est la garde à domicile, rémunérée par un système de type chèque emploi service. Les prestataires peuvent être publics, associatifs ou privés à but lucratif. Des parents éducateurs interviennent à la demande, à titre onéreux ou bénévole. L’accueil temporaire dans une structure extérieure est financé de diverses manières : part à la charge de la famille, subvention de l’Etat ou d’une assurance privée. Diverses possibilités sont proposées, là encore variant d’un Etat à l’autre : établissements résidentiels, maisons d’accueil agréées, familles d’accueil, maisons de soins, garderie en centre de jour, associations de parents, hôpitaux. A noter, une initiative originale, le programme Respitality : pendant que la famille passe une soirée agréable dans un restaurant et au spectacle, l’enfant handicapé est gardé à la maison ou dans un centre, avec des activités adaptées.

Et la France ? « Dans les structures pionnières d’accueil temporaire que j’ai pu visiter, déclare Marie-Thérèse Boisseau, Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées en 2003-2004, je pense notamment à celle de la Maison de l’Arc en Ciel à Quistinic dans le Morbihan. J’ai pu constater de visu à quel point des personnes handicapées étaient heureuses de sortir du cocon familial, de changer d’air, de découvrir d’autres horizons, ne serait-ce que quelques heures, comme chacun d’entre nous. Nous avons tous besoin dans notre vie de moments autres, de moments de répit, que nous soyons enfants ou adultes, valides ou dépendants. Mais ce besoin est particulièrement pressant quand le handicap ou, plus généralement la dépendance, est là ». Marie-Thérèse Boisseau rappelle que la prestation de compensation répond « au développement ou à l’aménagement de l’offre de service permettant notamment à l’entourage de la personne handicapée de bénéficier de temps de répit ». Un répit qui deviendrait un droit au terme de la création de 12.500 places d’accueil de jour et de 1.100 places d’hébergement temporaire dans les 5 prochaines années. Cette offre sera-t-elle suffisante ?

Jacques Vernes, octobre 2006.

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