38 heures et… 1 minute, tel est le temps d’aide humaine mensuelle qui vient d’être calculé pour la mère d’une enfant handicapée dépendante, soit 1 heure et 16 minutes précises par jour ! Cette mère, Nathalie Charlier, n’en revient toujours pas : « Une représentante de la Maison Départementale des Personnes Handicapées des Ardennes est venue à la maison pour expliquer ce qu’était la Prestation de Compensation du Handicap. Elle est revenue la semaine suivante pour me poser des questions pratiques sur les tâches d’aide auprès de ma fille, Amandine, l’heure auxquelles je les fais, comment je m’y prends, le temps passé. Elle m’a même demandé combien de temps je mettais pour essuyer les fesses de ma fille aux WC, le temps de brossage des dents, du coupage de la viande aux repas. Ahurissant : j’ai cru à une caméra cachée ! Elle a noté les temps pour parvenir à 1 heure et 16 minutes par jour, et donc 38 heures et 1 minute par mois… »

Nathalie Charlier est sortie humiliée de cette évaluation administrative, inhumaine. Avec au final une perte sèche mensuelle de 182,30€ entre le plan personnalisé de compensation découlant de l’évaluation de la chronométreuse de la MDPH et le 4e complément d’Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé (AEEH) précédemment accordé : les parents n’avaient plus comme choix que 380,90€ de Prestation de Compensation du Handicap (38h01 d’aidant familial dédommagé à 75% du SMIC, 30h d’aidant familial dédommagé à 50% du SMIC et un forfait de 100€ de produits d’hygiène) ou le complément de 2e catégorie d’AEEH, 256,78€. En effet, la MDPH a profité de cette évaluation pour abaisser le niveau de ce complément, la fille de Madame Charlier bénéficiant précédemment de la 4e catégorie, soit 563,21€ par mois.

Face au problème, le directeur de la MDPH des Ardennes, Igor Dupin, invoque le professionnalisme : « L’évaluation des besoins de compensation du handicap est effectuée par des professionnels. On a formé nos équipes aux outils nationaux d’évaluation développés par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Des questions peuvent être vécues comme intrusives, mais lors de la visite à domicile, Madame Charlier n’a pas manifesté d’insatisfaction. Elle a protesté après l’envoi du plan personnalisé de compensation. » Pour ce qui concerne l’ancienne prestation versée pour Amandine, Igor Dupin ajoute : « Le complément d’AEEH est appliqué sur la base des charges liées au handicap. Dans ce cas, il était surévalué. » Mais quand on lui demande comment il est possible de parvenir à une évaluation mensuelle de 38 heures et 1 minute d’aide humaine mensuelle, Igor Dupin invoque le logiciel informatique qui calcule le plan personnalisé. Enfin, il réfute toute volonté de réduire l’aide aux personnes handicapées pour des raisons budgétaires.

Toutefois, à partir du plan personnalisé de compensation accordé à la fille de Nathalie Charlier, il apparaît que les taux horaires appliqués par la MDPH des Ardennes sont inférieurs aux montants fixés par la CNSA et en vigueur depuis le 1er janvier 2012 : le département paie 5,20€ l’heure d’aidant familial dédommagé à 75% du SMIC du fait d’une réduction d’activité professionnelle au lieu de 5,33€, et 2,77€ l’heure d’aidant familial à 50% du SMIC au lieu de 3,55€, ce qui représente 28€ de moins pour la famille Charlier.

Sur le document qu’elle devait signer et renvoyer à la MDPH, Nathalie Charlier a répondu : « Je fais un choix parce qu’il faut en faire un. Mais sachez que je ne suis pas du tout d’accord avec vos 38h01mn par mois. Vous nous faites passer pour des parents indignes, vous nous rabaissez. Venez vivre une semaine avec un enfant handicapé et on pourra parler de choses vécues. »

« On ne m’a pas prévenue du risque de baisse de l’allocation de ma fille en basculant vers la PCH, conclut Nathalie Charlier. La représentante de la MDPH m’a dit que j’avais un choix à faire, mais sans m’expliquer les conséquences. » La publication dans le quotidien L’Ardennais d’un premier article narrant cette mésaventure a conduit des parents à se regrouper en collectif pour aller protester devant la MDPH le jour où le dossier de la famille Charlier était examiné en Commission des Droits et de l’Autonomie. Nathalie Charlier évoque également un autre cas problématique dans le département : une enfant atteinte de mucoviscidose dont l’AEEH a été supprimée. Et si le directeur de la MDPH tient à défendre le travail et le professionnalisme de ses équipes, il reconnaît que des oublis ou des erreurs peuvent être commis. Seront-ils réparés ?

Laurent Lejard, mai 2012.

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