Parmi les 260 dispositions annoncées par le Comité Interministériel du Handicap (CIH) du 25 septembre dernier, les besoins des enfants handicapés semblent bien couverts, mais une analyse attentive montre une autre réalité. La parentalité n’est en effet abordée que sur l’aspect « parents valides d’un enfant handicapé », par le déploiement de formations qui leur seraient destinés. A l’horizon 2017, des actions spécifiques menées auprès des parents d’enfants handicapés seraient développées avec des Caisses d’Allocations Familiales volontaires, ce qui ne garantira pas une égalité de traitement sur le territoire national. Le Gouvernement souhaite favoriser l’intégration des enfants handicapés dans les crèches et services territoriaux aux familles, entre autres. L’ensemble ne repose que sur les dotations budgétaires déjà définies, sans moyens supplémentaires, et ignore l’aide aux parents handicapés, l’handiparentalité.
En matière d’éducation, rien de nouveau : réitération de la transformation de 28.000 emplois précaires en Contrats à Durée Indéterminée pour l’aide aux élèves handicapés avec création d’un diplôme unique de l’accompagnement de la personnes handicapée et petite formation des enseignants au handicap, des actions annoncées fin août 2013 par les ministres concernés. Quant à la « coopération entre le milieu ordinaire de l’éducation et le secteur médico-social » et au « respect du choix linguistique des jeunes sourds », cela fait des années que les ministres de tutelle les évoquent; là encore, des expérimentations sont à nouveau annoncées pour la rentrée 2014 pour pallier la faible volonté de les généraliser.
« Tout est fort fade, regrette Isabelle Resplendino, membre du Collectif pour l’inclusion scolaire. On peut mettre ce que l’on veut dedans. » Elle relève l’absence de mention des bonnes pratiques, alors qu’elles existent et devraient permettre de travailler tout de suite : « Ce qui devrait pouvoir être engagé, c’est la formation des professionnels aux bonnes pratiques à l’horizon 2017, avec le retrait des subventions en cas de carence, comme cela est prévu par le plan autisme. » Française vivant en Belgique avant que son fils soit diagnostiqué autiste de haut-niveau (syndrome d’Asperger), elle connaît bien les systèmes éducatifs belges et français : « La formation des enseignants pourrait être mise en place très vite, les enfants n’ont rien à faire dans le médico-social. Ce n’est pas entré dans les moeurs en France. » Elle constate également le manque de conjugaison entre soin et éducation dans les établissements spécialisés, le temps du soin primant généralement sur celui de l’éducation. Et elle constate l’absence totale en matière de formation des professionnels de santé à l’annonce du handicap, et de dispositions concernant les jeunes et les adultes « exilés » en Belgique : « Ce serait une situation définitive ? J’espère que non ! Mais je ne comprends pas qu’il n’y ait pas un mot sur ce sujet au CIH. » A cet égard, le projet de loi de ratification de l’accord conclu le 11 décembre 2011 entre les gouvernements Wallon et Français pour légaliser et encadrer ce placement en « exil » sera examiné et probablement adopté définitivement le 31 octobre prochain.
Maman handicapée motrice, Florence Méjécase préside l’association Handiparentalité: « Il n’y a qu’une seule phrase sur l’handiparentalité dans le relevé de décisions du CIH, et beaucoup pour les enfants. Pour les parents d’enfants handicapés, le document souligne leur droit à l’information, même s’ils sont déjà les mieux informés. La proposition de leur dispenser une formation part d’un bon sentiment, reste à savoir ce qu’elle sera, pour que les parents connaissent encore mieux leurs droits. Mais rien n’apparaît sur l’annonce du handicap, plus précisément en ce qui concerne la formation des professionnels de santé. Actuellement, les sages-femmes bénéficient d’une heure de cours sur le handicap dans tout leur cursus de formation! Dans les propositions, on lit une reprise de la loi de 2005 sur la formation des professionnels médico-sociaux: c’est bien joli, dit et redit, mais avec un manque de consistance. Est-ce que formation veut dire soutien? Qu’en est-il du soutien psychologique pour que l’enfant ne soit pas réduit à son handicap? »
Au détour d’une page, Florence Méjécase relève une proposition qu’elle connaît bien : « La révision du site Internet monenfant.fr est une idée de notre réseau, formulée auprès de la Caisse d’Allocations Familiales. C’est un travail de communication indispensable pour diffuser ce qui existe sur le terrain. » Si Florence Méjécase apprécie le renforcement du soutien aux parents par le doublement des moyens du Fonds national d’activités sociales, la méthode l’interpelle : « Le budget multiplié par deux, c’est très bien, mais constitue une invitation à des inégalités territoriales. » Cette disposition reposera en effet sur des CAF volontaires. Elle déplore également que rien ne soit prévu en matière de Prestation de Compensation du Handicap : « Le CIH évoque beaucoup les parents d’enfants handicapés scolarisés, mais pas l’aide aux parents handicapés, pour que leur enfant bénéficie d’une priorité d’accès à la crèche, à la cantine scolaire, etc. » Et au-delà de quelques satisfactions en attente de concrétisation, cette militante concernée tire du relevé de décisions du CIH cette constatation globale : « J’ai l’impression de lire des choses nouvelles, alors qu’elles sont travaillées depuis des années au niveau local. »
Propos recueillis par Laurent Lejard, octobre 2013.