Le Tribunal administratif de Paris a rendu, le 15 juillet 2015, des décisions aussi intéressantes qu’innovantes. Huit familles avaient saisi cette juridiction afin de voir condamner l’État en raison de ses carences dans la prise en charge des troubles autistiques de leurs enfants. Elles demandaient la reconnaissance et l’indemnisation du préjudice de chacun des enfants et parents, ainsi que le remboursement des dépenses éducatives et autres frais engagés.
Sur ces huit familles, le Tribunal a fait droit à la demande de sept d’entre elles, dont cinq avaient reçu des décisions de leur Maison Départementale des Personnes Handicapées orientant leurs enfants vers des établissements médico-sociaux. Mais, faute de place, ces établissements n’ont pu accueillir ces enfants. Pour les deux autres familles, la MDPH avait rendu une décision d’accueil en Belgique. L’État n’ayant pas fait appel, ces jugements sont définitifs.
Toutes ces décisions ont été rendues sur les mêmes fondements juridiques, dont l’article L.246-1 du code de l’action sociale et des familles qui a joué un rôle prépondérant : « Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d’une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l’état et à l’âge de la personne, cette prise en charge peut être d’ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. »
Pour chaque décision, le Tribunal a posé le principe selon lequel « lorsqu’un enfant autiste ne peut être pris en charge par l’une des structures désignées par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées en raison d’un manque de place disponible, l’absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l’État dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires ». Dans le même paragraphe et pour chaque décision, le Tribunal pose, ensuite, une exception : « Lorsque les établissements désignés refusent d’admettre l’enfant pour un autre motif, ou lorsque les parents estiment que la prise en charge effectivement assurée par un établissement désigné par la commission n’est pas adaptée aux troubles de leur enfant, l’État ne saurait, en principe, être tenu pour responsable de l’absence ou du caractère insuffisant de la prise en charge, lesquelles ne révèlent pas nécessairement, alors, l’absence de mise en oeuvre par l’État des moyens nécessaires. »
Ainsi, sur la base de ce principe et de cette exception, le Tribunal a examiné chaque demande et chaque période afin de déterminer si une carence de l’État était révélée ou non. Le Tribunal administratif a, ainsi, relevé, pour ces sept familles, une carence de l’État, pour une ou plusieurs périodes données et a considéré, en conséquence, que cette carence constituait une faute de nature à engager sa responsabilité.
Le Tribunal a condamné l’État à payer aux familles et à leurs enfants un préjudice moral, des sommes importantes au titre des demandes indemnitaires et, pour certaines familles, en plus, un préjudice financier. Ces décisions s’inscrivent parfaitement dans la lignée de l’arrêt du Conseil d’État du 16 mai 2011 qui reconnaissait déjà le droit à une prise en charge pluridisciplinaire pour les personnes avec autisme, la carence de l’État en la matière entrainant l’indemnisation du préjudice d’un jeune autiste et de sa mère.
Alexandra Grévin, avocate au Barreau de Paris, janvier 2016.
PS : l’avocate Sarah Fébrinon-Piguet, qui a défendu les familles, confirme que le ministère de la Santé a indemnisé tous les préjudices.