Question : Qu’est-ce qui vous a conduit à organiser ce colloque le 17 mars prochain ?

Olivier Raballand : Cela fait dix ans que j’oeuvre pour l’association Grandir d’un monde à l’autre que j’ai créée pour changer le regard sur les personnes en situation de handicap. Je suis père d’un jeune trisomique âgé maintenant de 21 ans. La parentalité des personnes handicapées est presque une impensée. La question de la sexualité ne se conçoit pas, pour leurs parents, comme simple et fluide. Il en est de même pour les professionnels du médico-social. De plus, entre une personne en fauteuil roulant et une autre handicapée intellectuelle, la perception de la parentalité n’est pas semblable. Mais le regard porté sur elles reste particulier.

Question : Que cherchez-vous à faire ressortir avec ce colloque ?

Olivier Raballand : On ne défend pas un point de vue entre pour et contre. On pose la question que se posent les professionnels du médico-social, les gynécologues, les parents. Par exemple sur la contraception définitive pour des jeunes handicapés intellectuels, des personnes qui ont un désir d’enfant. On veut par ce colloque montrer des pratiques qui fonctionnent. J’ai réalisé des interviews audio de personnes handicapées intellectuelles ou psychiques pour recueillir et diffuser leur parole dans le colloque. Une expression à trois voix, professionnels, parents et grands-parents, personnes handicapées. Nous voulons présenter des pistes de terrain et des travaux de recherche qui croisent des témoignages de professionnels.

Question : Quels exemples pourriez-vous donner ?

Olivier Raballand : Le comité de pilotage du colloque évoque la perspective d’une coparentalité, assurée par une famille d’accueil pour maintenir le lien entre des parents handicapés en rupture et leur enfant. Actuellement, quand les parents ne peuvent plus s’en occuper l’enfant leur est retiré et ils ont un simple droit de visite. La coparentalité permettrait de traiter des situations difficiles sans rupture. Bien sûr, le soutien social existe, mais il ne fait pas tout et s’avère trop administratif. Même s’il y a moins de placements aujourd’hui parce que cela coûte cher aux départements qui doivent les financer.

Question : Depuis que vous avez créé Grandir d’un monde à l’autre, constatez-vous ce changement de regard que vous souhaitiez ?

Olivier Raballand : Je ne veux pas être pessimiste mais je ne vois pas grand chose changer. On travaille depuis sept ans à la conception et réalisation d’un film, Aux yeux du monde [en cours de montage pour sa diffusion lors du colloque NDLR]. Quand j’en parle, on me reformule « Ah, les parents qui ont des enfants en situation de handicap ! ». Et quand je précise que le film traite des parents handicapés, il y a un blanc, puis « Ah bon ! ». Ça reste tabou, le peu de films documentaires diffusés à la télévision concernant surtout les personnes handicapées motrices, visuelles ou auditives. On évoque rarement les personnes handicapées intellectuelles ou psychiques. Il y a une évolution, certes, mais avec une certaine confidentialité dans les pratiques. Le mouvement d’handiparentalité existe, mais dans l’esprit du grand public et des professionnels du médico-social, ces parents sont des OVNI ! Ils manquent de formation sur ce sujet. La question de la représentation du parent « standard » est facile, elle est plus difficile pour les parents pauvres ou en difficulté, davantage encore pour les parents handicapés moteur, visuels ou audtifis, et encore plus difficile pour ceux qui sont handicapés intellectuels ou psychiques. Ça vous fout la trouille ! Il faut se rappeler la montée en épingle des rares crimes commis par des personnes ayant des troubles mentaux, cela vient renforcer les fantasmes et les peurs. Et la rencontre n’est pas possible, on ne reconnaît pas la personne dans son humanité.

Question : Quels enseignements espérez-vous de ce colloque ?

Olivier Raballand : Nous, on parle d’être parent sans distinction du handicap. Ce colloque permet d’interroger cela : désirer avoir un enfant, comment on devient parent, avec l’effet loupe du handicap.

Question : Un désir de parentalité peut-être encore plus compliqué pour les couples de même sexe ?

Olivier Raballand : On n’a pas d’échos de professionnels confrontés au désir d’enfant de couples de même sexe. Mais j’ai rencontré un couple de femmes. C’est encore plus dans l’impensé. Et je me demande ce qu’il y a autour pour qu’ils ne l’invoquent pas…

Propos recueillis par Laurent Lejard, février 2017.


Le colloque national Du désir d’enfant au devenir parent est organisé par Grandir d’un monde à l’autre le 17 mars 2017 à la Salle festive Nantes Erdre, 25, route de Saint-Joseph à Nantes. Inscription (payante) obligatoire. Projection débat la veille 16 mars à 18 heures du documentaire « Aux yeux du monde » dans la même salle, entrée gratuite, réservations au 09 72 39 82 86 ou par mél.

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