Le problème posé par la situation du trentenaire Ludovic Béchu semble désemparer les acteurs et décideurs qui en sont saisis : la finalité d’un placement en établissement médico-social est-elle de permettre une vie la plus remplie et épanouie possible, ou simplement d’assurer une survie décente ? Placé dans une Maison d’Accueil Spécialisée située à une vingtaine de minutes de ses parents, cet homme a la chance d’être pris en charge pour les actes du quotidien : hygiène, nourriture, coucher. Mais il s’ennuie et s’étiole dans cet établissement dans lequel il est l’un des pensionnaires les moins lourdement handicapés, bien que lui-même ne soit pas autonome pour l’ensemble des actes de la vie quotidienne : le personnel consacre davantage de temps aux pensionnaires les plus handicapés. « Infirme moteur cérébral, Ludovic a la volonté de vivre une vie intéressante, exprime sa mère, Marie-José Béchu. Le personnel voit bien qu’il a changé depuis 10 ans qu’il réside à la MAS, mais comme la plupart des pensionnaires sont polyhandicapés, il n’évolue plus. Les employés passent du temps avec eux pour leurs soins, et ils estiment que Ludovic n’est plus à sa place, rencontre des difficultés à avoir des relations humaines, il a besoin de communiquer. » Il a protesté à sa manière, en refusant de manger les veilles de retour à la MAS, son état mental s’en est ressenti.

Les parents de Ludovic et sa soeur sont partis en quête d’un établissement mieux adapté, sans rien identifier dans la proximité de Pithiviers (Loiret) où ils résident, ni aucun projet de création de places adaptées alors qu’une soixantaine de Loirétains handicapés sont exilés dans des établissements belges. La Maison Départementale des Personnes Handicapées du Loiret a bien proposé que Ludovic effectue des périodes de stages dans un foyer de vie à Nevers (Nièvre) pour apprécier s’il aurait sa place dans cet établissement situé à 200 kilomètres. « Je ne trouve pas normal qu’il n’existe pas dans notre proximité un établissement adapté, reprend Marie-José Béchu. D’autant plus que les transports chaque week-end et le mercredi, quand Ludovic revient à la maison, sont à notre charge. La MDPH nous accordé 200 euros par mois de compensation, il y a de grands risques qu’elle ne modifie pas ce montant si Ludovic va à Nevers. » A condition que la liste d’attente ne soit pas trop longue : « Si le foyer lui convient, reste la liste d’attente qu’on ne connaît pas, pourquoi alors proposer un stage ? », s’interroge Marie-José Béchu. Qui relève un autre problème qu’on ne soupçonnait pas, les établissements médico-sociaux n’assurent pas les soins : « Dans la MAS, la kiné c’est pour les enfants, pas pour les adultes. Ils doivent être pris en charge en libéral, comme pour les soins dentaires et les soucis de santé. On a déjà été appelés pour venir chercher Ludovic parce qu’il était malade. »

Confrontée à une situation inextricable, la famille a lancé une pétition en ligne et saisi l’épouse du Président de la République, Brigitte Macron, pour demander que soit créé en urgence un établissement adapté dans le Loiret. Madame Macron a poliment fait répondre par son directeur de cabinet que le courrier était transmis au Préfet du Loiret, à la directrice de l’ARS Centre Val-de-Loire ainsi qu’à Sophie Cluzel. « Madame Cluzel nous a répondu qu’elle faisait part de notre courrier à l’Agence Régionale de Santé et au Conseil Départemental, poursuit Marie-José Béchu. Mais ni l’ARS, ni le Conseil Départemental ne nous ont contacté. De son côté, la MDPH nous a dit que si le foyer de vie ne convenait pas, il faudra faire une demande de placement en Foyer d’Accueil Médicalisé. » En déposant un nouveau dossier complet : « La demande de réorientation de Ludovic a été déposée à la MDPH en août 2017 qui a répondu en juin 2018, conclut Marie-José Béchu. On doit toujours faire des dossiers, alors que l’Administration a tout sous la main. » Pendant ce temps, des adultes handicapés s’étiolent.

Laurent Lejard, août 2018.

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