Le libéralisme dogmatique qui déferle sur la France depuis de nombreuses années n’épargne pas les domaines les plus sensibles, tels les modes d’accueil des enfants en bas-âge. Crèches, haltes-garderies et assistantes maternelles font l’objet d’un projet d’ordonnance prévu par l’article 50 de la loi « pour un Etat au service d’une société de confiance » (sic!) dont la première phase de concertation a suscité de vives craintes : suppression du ratio de 40% des professions les plus qualifiées, abaissement du taux d’encadrement des enfants et droit de les accueillir en surnombre, augmentation de la capacité d’accueil des micro-crèches et maisons d’assistantes maternelles, réduction de la surface des locaux. Ces craintes sont exprimées par le collectif Pas de bébé à la consigne qui regroupe des professionnels de l’accueil de la petite enfance et mobilise depuis février dernier. Buts de cette réforme : remplir l’objectif gouvernemental de créer 30.000 places en crèche d’ici 2022 en serrant les coûts, gérer la pénurie en professionnels diplômés par l’emploi de personnels formés sur le tas, réduire les dépenses immobilières et locatives, le tout pour améliorer la rentabilité des sociétés et groupes privés qui voient dans ce service une opportunité de business sur des familles ayant (encore) un bon niveau de revenus. Si tous les enfants sont concernés, la densification de leur nombre dans un même lieu encadré par moins d’adultes pourrait générer des conséquences néfastes pour ceux qui, du fait de leur handicap, nécessitent davantage d’espace pour se mouvoir et d’attention pour interagir avec les autres.

Cela inquiète la Fédération Générale des Pupilles de l’Enseignement Public (FG PEP), qui gère de nombreux établissements pour enfants handicapés de type CMPP – CAMSP et agit également pour leur inclusion au milieu de tous : « Les mesures envisagées peuvent être préjudiciables aux enfants, constate Isabelle Monforté, chef de projets éducation et loisirs à la FG PEP. On défend le mode d’accueil inclusif même si l’accueil spécialisé peut être pertinent. » Elle rappelle que la Convention d’Objectifs et de Gestion 2018-2022 de la Caisse Nationale d’Allocations Familiales prévoit en complément de celle qu’elle verse une dotation aux crèches et garderies qui accueillent des petits enfants handicapés. « Mais si on augmente le taux d’encadrement, cela met cet accueil en péril, déplore Isabelle Monforté, dont l’organisme n’a pas été convié à la concertation. Travailler sur l’évolution du cadre normatif avec certains organismes seulement n’est pas cohérent. On est prêts à participer à la deuxième phase de la concertation qui va s’ouvrir. »

L’une des dispositions de cette réforme par ordonnance des modes d’accueil en rappelle une autre : prévoir « les conditions dans lesquelles ces législations peuvent donner lieu à des dérogations, justifiées par la spécificité des situations et des enjeux locaux, dès lors que des garanties équivalentes sont apportées ». Il en allait de même en matière de réforme de l’accessibilité, en introduisant dans la législation la notion d’effet équivalent pour déroger aux règles (lire l’actualité du 24 décembre 2015 et ce Focus). Une notion récemment étendue à l’ensemble des normes de construction, y compris les règles de l’art (lire l’actualité du 31 octobre 2018). Dans quelque domaine que ce soit et au fil des gouvernements, l’administration centrale accommode les politiques publiques avec ce principe qui permet de complaire au libéralisme économique et financier qui veut s’affranchir des règles, fût-ce au détriment du bien-être des tout-petits.

Laurent Lejard, mai 2019.

Partagez !