Le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) a travaillé à marche forcée pour définir les propositions à inclure dans la future loi en faveur des « personnes en situation de handicap », pour reprendre une expression à la mode. Son président, Jean- Marie Schléret, précise les grands principes affirmés : non- discrimination et égalité des chances, accès effectif à la Cité et à la vie sociale, développement de l’accompagnement et garantie de l’individualisation des solutions, droit universel et intégral à compensation, participation des intéressés. Enoncé ainsi, le projet résultant des travaux des associations et des personnalités membres du CNCPH semble très complet et ambitieux.
Les sept commissions du Conseil ont multiplié les réunions avec les conseillers techniques des cabinets ministériels concernés par la politique en direction des personnes handicapées. C’est pourtant le Gouvernement qui définira les orientations de son projet de loi. Marie- Thérèse Boisseau ayant programmé un déplacement ministériel dans l’Isère, il le fera par la voix du Directeur de Cabinet de la Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées lors de la séance plénière du CNCPH du 24 avril : Raymond Chabrol présentera les propositions retenues par le gouvernement, qui devraient être rendues publiques, et les mettra en débat. Un consensus en sortira- t-il ?
Coté associations, la vigilance est de règle. Marie- Sophie Desaulle, présidente de l’Association des Paralysés de France, déclare : « nous n’avons pas d’informations officielles sur le contenu de la loi. L’APF souhaite une vraie réforme et pas seulement un aménagement des dispositifs. Cela nécessite une remise à plat des procédures d’évaluation des besoins et une révision du mode de financement afin de passer de l’assistanat à une logique de protection sociale ». Si la présidente de l’APF salue le rôle majeur du CNCPH dans l’élaboration de la réforme, elle déplore que les associations aient été insuffisamment impliquées : « d’un côté les ministères discutent, de l’autre le CNCPH élabore. Où la rencontre se fera- t-elle ? ». Une « vision éclatée » de l’élaboration de la loi, apprécie comme en écho le député Jean- François Chossy, président de l’intergroupe Handicap de l’Assemblée Nationale, qui précise que « chaque ministère garde ses sources ». Jean- Marie Schléret estime également que « chaque ministère veut conserver son champ de compétences ».
Le président de l’Association Française de lutte contre les Myopathies, Eric Molinié, refuse une loi de « replâtrage » et approuve les grands principes définis par le CNCPH. Eric Molinié insiste toutefois sur le fait que les organismes qui paieront, notamment dans le cadre du droit à compensation (qui représenterait 120 millions d’euros par an pour les seules aides techniques), n’aient pas la charge d’évaluer les besoins des personnes. Il rejette, tout comme l’APF, la décentralisation qui est perçue comme potentiellement porteuse d’inégalité de traitement. « L’Etat doit garantir l’égalité républicaine », affirme le président de l’AFM. « On ne sait rien des intentions du gouvernement » déclare Marcel Royez, secrétaire général de la Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés (FNATH), qui insiste sur la nécessité de créer un système de protection sociale finançant la compensation. « On ne fera pas une nouvelle loi à budget constant : le financement doit être universel et citoyen ».
A l’Association Valentin Haüy, on est moins enthousiaste. Son président, Patrick Champetier de Ribes, estime que certaines mesures ne vont pas dans le sens de l’autonomie. Il pointe particulièrement le tutorat, dispositif instituant une personne référente pour définir les besoins et les aides à la vie quotidienne : « pour nous, ce tuteur ne peut être qu’un accompagnateur sans pouvoir de décision ». L’AVH réaffirme également son attachement à une allocation compensatrice de base : « on nous dit qu’il faudra justifier les dépenses supplémentaires dues au handicap ». Le spectre de la nouvelle Allocation d’Education Spéciale hanterait- il l’AVH ?
Si la future loi d’orientation entre dans une phase décisive, celle du choix des principes à mettre en oeuvre, l’échéance de la fin du mois de juin, pour la présentation en Conseil des Ministres d’un texte définitif, apparaît difficile à tenir. Les départements, confrontés à de nouveaux transferts de compétences, demandent un peu de temps de réflexion. Le président du CNCPH, qui travaille sans bureau, secrétariat, ni téléphone, estime que « les délais annoncés pour fin juin ne me semblent pas tenables ». Selon lui, c’est à la rentrée de septembre que le gouvernement rendra sa copie.
Encore un peu de patience… et de concertation ?
Laurent Lejard, avril 2003.