Rappelez-vous : en juillet 2002 la Commission des Affaires Sociales du Sénat rendait public un rapport sur la politique de compensation du handicap (lire cette présentation en Focus). Rédigé par Paul Blanc, ce rapport soutenu par le président de la Commission, Nicolas About, fut accueilli favorablement. Dans la continuité de leur rapport, ces deux Sénateurs de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) ont décidé de participer à l’écriture de la partition : ils ont déposé une proposition de loi sur le bureau du Sénat. Nicolas About espère que sa proposition sera examinée en même temps que le projet gouvernemental afin d’en fusionner les contenus.
Dans l’esprit, on peut se réjouir de la définition d’un droit à une compensation complète du handicap par l’élaboration d’un plan individuel des besoins en aides techniques ou humaines. Le texte comporte également des propositions novatrices en matière d’accessibilité en créant une sanction financière (il pourrait toutefois légaliser de facto la discrimination du type « je ne veux pas d’handis dans mon établissement et je paie pour cela »). Il vise également à renforcer l’intégration scolaire et professionnelle, en étendant à la fonction publique la pénalité financière qui n’est appliquée qu’au secteur privé.
Quelques articles posent toutefois question : seules les organisations qui ne gèrent aucun établissement auraient accès au statut d’associations représentatives. Interrogé précisément sur ce point, Nicolas About exclut de ce statut des organisations comme l’APF, l’APAJH, l’ADAPT et toutes celles qui assurent à la fois la défense des intérêts de leurs membres et la gestion d’établissements spécialisés. Il préfère que l’expression des personnes handicapées relève des seules associations de défense, telle la FNATH voire le CDH, ce qui entraînerait une recomposition associative. Autre point prévisible d’achoppement, le transfert de l’Agefiph dans le giron de l’Etat par la transformation de son statut juridique en Etablissement Public Administratif. N’y a-t-il pas là un risque de voir l’Etat se servir de l’argent de l’Agefiph pour autre chose que l’emploi et la formation professionnelle ?
Mais la proposition la plus contestable est la suppression pure et simple de l’Allocation Adulte Handicapé, actuellement perçue par plus de 710.000 personnes. Nicolas About estime que si le handicap est bien compensé, par la nouvelle Allocation individualisée qui ne doit servir qu’à payer du matériel ou du personnel, les personnes handicapées doivent réintégrer le droit commun. Si elles travaillent, elles vivent de leur salaire, sinon du RMI. Un Revenu Minimum d’Insertion qui divisera par deux ou trois la somme perçue mensuellement par les bénéficiaires de l’AAH.
On peut comprendre les intentions égalitaires du Sénateur About quand il affirme que la compensation complète du handicap doit faire disparaître certaines dispositions qui privilégient les personnes handicapées par rapport aux valides pauvres. Mais il ne faudrait pas que cela conduise à ce paradoxe qui ressemble au supplice de Tantale : que la société française et la multiplicité des activités et des plaisirs qu’elle déploie soit parfaitement adaptée aux besoins spécifiques de près d’un million de personnes qui ne pourront en profiter parce qu’elles seront devenues trop pauvres pour cela…
Laurent Lejard, mai 2003.