L’Allemagne nazie, comme bien d’autres pays, a eu ses scientifiques racistes, ses penseurs rationalistes d’un eugénisme basé sur l’élimination d’êtres présumés inférieurs : juifs, homosexuels, tziganes, handicapés… Pour ces derniers, peu de travaux de recherche ont permis de connaître et analyser l’idéologie qui a conduit à l’abjection. Des actes commis au nom d’une saine économie : les personnes handicapées coûtaient au Reich sans être productifs. Cette idée était notamment diffusée dans les petites têtes blondes, en cours d’arithmétique, à qui on faisait calculer, par exemple, combien représentait l’entretien de 300.000 malades mentaux ou épileptiques par rapport à l’aide aux jeunes ménages…

L’autorisation donnée par Hitler lui-même aux médecins, dans une lettre datée du 1er septembre 1939, « d’accorder une mort miséricordieuse aux malades qui auront été jugés incurables selon une appréciation aussi rigoureuse que possible » était une légalisation de facto de la mise à mort d’enfants présentant une malformation congénitale ou handicapés à la naissance. On estime que le régime nazi a exterminé 100.000 enfants et adultes handicapés, du fait de leur handicap. La documentariste Brigitte Lemaine montre par ailleurs, dans son film « Témoins sourds, témoins silencieux » (2000) que le régime nazi avait entrepris, dès 1933, de stériliser et exterminer les déficients auditifs : 6.000 sourds assassinés dans les camps de la mort. Brigitte Lemaine précise : « La politique d’hygiène raciale du troisième Reich n’est que la suite d’une longue politique eugéniste commencée au début du XXème siècle aux Etats- Unis ». Une politique également conduite en Suède ou au Canada, jusque dans les années 1960. Faut-il également rappeler que la France permet encore aujourd’hui la stérilisation de jeunes femmes handicapées mentales ?

Savoir pourquoi le régime nazi a voulu exterminer les personnes handicapées et comment il a procédé, étude encore à mener, éclairerait sans doute d’un nouveau jour certaines politiques conduites dans des Etats qualifiés de démocratiques, et qui ont longtemps considéré les personnes handicapées comme anormales. Le changement de regard passe aussi par un sérieux et documenté devoir de mémoire.

Laurent Lejard, janvier 2005.

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