De nombreux entrepreneurs français ont opté pour la constitution d’une association afin de mieux développer une activité de prestation de services, présumée sans but lucratif. C’est le cas d’HandiCapZéro, qui fournit à 4.500 déficients visuels des factures en braille ou gros caractères de services téléphoniques ou autres, un guide télé, une information générale via Internet, etc. Derrière ces services, il y a des entreprises qui paient la prestation de l’association. Parmi elles, on aurait pu compter l’assureur Axa, mais la compagnie n’a pas validé l’offre intégrée qu’HandiCapZéro lui a présenté : mise en accessibilité des documents fournis aux assurés et du site web de la compagnie, plate- forme téléphonique connexe. L’association aurait pu accepter sa défaite ou formuler une nouvelle offre, mais voilà qu’elle dénonce publiquement « Axa, acteur majeur de l’assurance en France [qui] laisse ses assurés déficients visuels en marge du grand principe de la compagnie : la solidarité ! ».

La diatribe est étonnante de la part d’HandiCapZéro, qui n’est pas connue pour être une organisation revendicative, et qui n’a contacté, selon ses propres termes, qu’une seule compagnie d’assurances. Et d’en tirer des conclusions applicables à des dizaines de sociétés, en déclarant : « Le domaine de l’assurance est un des derniers secteurs en France à demeurer désespérément hermétique aux attentes des personnes déficientes visuelles ». Attentes qui ne sont d’ailleurs pas exprimées par les associations d’aveugles; on se souvient à cet égard que la demande d’adaptation aux déficients visuels des services et automates bancaires était une revendication du chanteur Gilbert Montagné, récupérée ensuite par le Comité national pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (C.N.P.S.A.A).

Il existe en France quelques dizaines d’organisations proposant la réalisation de documents en braille ou grands caractères pour des entreprises ou des collectivités. Elles ne dénoncent pas publiquement les prospects qui refusent leurs offres, ne crient pas à l’entorse à la solidarité quand elles ne font pas affaire. « On a consulté HandiCapZéro dans le cadre d’un appel d’offres, précise Xavier Lespinasse, chargé du dossier chez Axa. Nous avons négocié sous la menace d’un communiqué de presse. Et les dirigeants d’HandiCapZéro omettent de dire que nous sommes la seule compagnie d’assurances à nous intéresser à l’accessibilité de l’information aux déficients visuels, en choisissant une autre association pour réaliser la mise en accessibilité de notre site Internet ». Cette dénonciation a un précédent, en novembre 2003 : HandiCapZéro avait rendu publique la rupture du contrat de prestation de services qui la liait avec Electricité de France pour l’adaptation de documents, reprochant à l’entreprise un trop faible engagement financier.

HandiCapZéro apprécie la couverture médiatique de ses produits et initiatives, elle en fait même en ligne un recensement exhaustif. Il ne faudrait toutefois pas confondre cette entreprise à forme associative, pour laquelle la médiatisation a une rentabilité, avec une association de défense des intérêts matériels et moraux des personnes déficientes visuelles, ce serait un malsain mélange des genres…

Laurent Lejard, mars 2005

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