Le monstre législatif dont a accouché le Parlement en adoptant l’article premier de la loi sur le droit des malades, dite loi Kouchner, en février 2002, fait encore des vagues. Cette disposition exempte des médecins fautifs de toute obligation de réparation du préjudice causé à un enfant dont ils n’ont pas décelé le handicap congénital. Sous la pression des médecins et politiciens à leur service (dont Jean-François Mattei, qui poursuit désormais son oeuvre en fermant les dispensaires de la Croix-Rouge accueillant pauvres et exclus du système) les parlementaires étaient allés jusqu’à rendre la loi rétroactive : elle s’appliquait aux poursuites engagées avant la promulgation de la loi (une infamie que l’on n’avait plus vue depuis les lois antisémites du régime de Vichy !) privant les familles d’une légitime indemnisation, renforçant encore l’impunité des médecins.
Une impunité que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a sanctionné, le 6 octobre 2005, en condamnant la France (lire cet éditorial). Le 24 janvier 2006, la Cour de Cassation a suivi l’arrêt de la Cour européenne, estimant que le droit à compensation du handicap institué dans la législation française avait un caractère « forfaitaire […] sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale ». Les magistrats de la Haute juridiction se sont sans doute documentés sur la Prestation Compensation du Handicap…
D’ailleurs, s’il est trop tôt pour savoir comment la P.C.H couvrira les besoins effectivement exprimées par les personnes qui vont la demander, on sait déjà qu’elle se méritera : jusqu’à 14 documents à fournir pour constituer le dossier de demande ! Lequel comporte la rédaction infantilisante et humiliante d’un « projet de vie » que la plupart des demandeurs seront bien en peine de rédiger puisque la notice d’accompagnement n’en souffle mot hormis son caractère obligatoire. L’équipe technique de chaque Commission départementale des Droits et de l’Autonomie devra pourtant s’assurer (sur quels critères ?) du bien-fondé de ce « projet de vie » pour accorder (après application des barèmes d’incapacité, de la tarification des aides techniques et humaines, du plafonnement des dépenses prises en charge et de la part laissée à la charge de la personne…) la juste allocation nécessaire. Ou l’allocation la plus juste, c’est à dire la plus faible ? Il y a hélas fort à parier qu’elle sera très éloignée d’une compensation intégrale des conséquences du handicap, celle que la Cour de Cassation reconnaît désormais aux victimes de médecins incompétents.
Laurent Lejard, janvier 2006.