Déployés durant trois mois dans l’une des plus épouvantables gares parisiennes, Maine-Montparnasse, divers équipements et matériels seront testés durant trois mois. Des enquêteurs de la Sofres recueilleront l’avis des usagers handicapés et il devrait sortir de ce test en vraie grandeur des préconisations d’accessibilité tenant compte des besoins de l’ensemble des personnes handicapées. Les équipements retenus pourraient être employés dans le cadre de la mise en accessibilité des gares et des quais prévue par la loi de février 2005, et dont le décret relatif au cadre bâti vient d’être publié.
En visitant le « laboratoire », on constate qu’il y a du boulot : seule une partie de l’immense gare a été équipée et les erreurs sont évidentes : les bandes podotactiles déployées au sol dessinent des cheminements coupant le flux naturel de passage des voyageurs valides, les bornes sonores destinées à informer les aveugles sur leur position au sein de la gare restituent un message non significatif, certains matériels ont tout du gadget coûteux (PDA pour aveugles, tableau tactile à hauteur variable avec avatar signeur, etc.). En revanche, l’installation à hauteur d’enfant ou de personne de petite taille de rampes dans les escaliers est déjà plébiscitée. Nul doute que le public saura faire la part de l’utile et du futile.
Parce que le chantier de mise en accessibilité du transport ferroviaire est gigantesque, et les objectifs annoncés par les dirigeants de la Société Nationale des Chemins de Fer Français et Réseau Ferré de France visiblement insuffisants : moins de 90 gares existantes seront adaptées dans les trois années qui viennent. Louis Gallois, président de la SNCF, annonce le triplement des crédits consacrés à l’accessibilité, qui seront portés annuellement à 50 millions d’euros durant 10 ans. Mais il s’est bien gardé de fixer des objectifs quantitatifs, ni d’évoquer son projet de maillage synonyme d’accessibilité partielle. Parce qu’avec 3.000 gares dont 10% seulement disposent d’équipements d’accessibilité, et un rythme annoncé de 30 gares adaptées par an, il faudra 90 ans pour traiter l’ensemble des lignes de chemin de fer ! Paradoxalement, RFF, dont les finances ne permettent plus de maintenir les voies ferrées en bon état (ce qui a déjà entraîné une réduction des limites de vitesse des trains sur certaines lignes) annonce l’accroissement de sa participation budgétaire aux mises en accessibilité des gares. Mais l’entreprise publique ne dit rien sur la mise à (bon) niveau des quais existants.
Plutôt qu’une gare laboratoire de l’accessibilité, qui a tous les aspects d’une opération de communication destinée au grand public, on attend impatiemment les schémas directeurs d’accessibilité des transports que devront publier l’an prochain les deux entreprises publiques exploitant les chemins de fer : là, on pourra apprécier le volontarisme affirmé par leurs présidents respectifs, et comparer la réalité des actes à l’ampleur de la propagande…
Laurent Lejard, mai 2006.