« Un mois noir pour l’Université Gallaudet » peut-on lire dans le dossier du mois du site Internet WebSourd, qui diffuse des informations en langue des signes française et en français. On y apprend que la présidente Jane K. Fernandes, élue par le conseil d’administration, était critiquée, contestée par les étudiants de cette célèbre Université de Washington D.C qui ne reçoit que des sourds. Fanny Corderoy du Tiers, artiste française et ancienne élève de Gallaudet, relate une opposition de tous les étudiants et professeurs, que les journalistes américains n’ont pas constatée. Quel pouvait donc être le crime de Jane K. Fernandes ? Etre oralisée ? C’était déjà le cas de son prédécesseur, King Jordan, qui fut en 1988 le premier sourd à prendre la présidence de Gallaudet. Incompétente ? Jane Fernandes a codirigé Gallaudet durant les 18 années de présidence de King Jordan. Non, le crime de Jane K. Fernandes est tout simplement d’avoir un implant cochléaire, ce « Satan technologique » dénoncé par les inquisiteurs de la communauté sourde, américaine comme française. Ajoutez à cela la volonté de l’ex-présidente d’ouvrir Gallaudet sur le monde immense des entendants, et l’hystérie atteignait son comble.

Face aux entendants, certains leaders d’opinion sourds signeurs sont tentés par le communautarisme : vivre, communiquer, faire des affaires ensemble. Quitte à relater l’actualité de manière orientée pour la faire coller aux peurs et aux frustrations de leur communauté. Ce que l’on constate en ce moment en Wallonie, où la Ministre Catherine Fonck, en charge de la santé, a annoncé le lancement d’un programme de dépistage néonatal de la surdité. Alors qu’elle n’évoque nullement le sujet, l’implant cochléaire est déjà brandi en épouvantail par des associations de sourds pour contester ce dépistage. Au risque de nuire au développement des nouveau-nés, sans faire confiance aux parents qui seraient, selon ces associations, forcément otages de médecins qui leur imposeraient nécessairement l’implantation cochléaire !

C’est un fait, il y a moins de surdités de naissance et donc moins de « clients captifs » pour rejoindre la « communauté sourde ». Si les surdités liées au bruit – notamment du fait des concerts tonitruants et des baladeurs – progressent, leurs victimes s’appareillent et continuent à parler, elles ne rejoignent pas le groupe des pratiquants sourds de langue des signes. Lequel se réduit progressivement, dont les leaders se défendent par tous moyens, au risque de s’isoler davantage, en se bardant de certitudes et en tentant de contrôler l’information à destination des sourds ne pratiquant que la langue des signes, leur langue naturelle. Preuve, s’il en est besoin, que l’avenir de l’intégration sociale des sourds passe a minima par le bilinguisme langue des signes et langue nationale, condition nécessaire à leur bonne formation… et information.

Laurent Lejard, novembre 2006.

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