Les deux Fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées sont dans la tourmente, à des degrés divers, laissant muettes les associations qui y siègent. Au sein de l’Agefiph, une divergence de vue va entrainer le départ imminent de la directrice générale, Claudie Buisson, six mois avant le terme prévu de son mandat. Les participants à la journée de commémoration du 20e anniversaire de la loi du 10 juillet 1987 en faveur des personnes handicapées avaient remarqué l’absence à la tribune et le silence lors des discours de la directrice générale de l’association. En cause, selon une source bien informée, le énième traitement du réseau des organismes Cap Emploi, dont les origines et statuts diversifiés, de même que les résultats en terme de placement de travailleurs handicapés, ont résisté à plusieurs tentatives de rationalisation. Visiblement, la dernière ne sera pas la bonne, et cela fait un peu désordre à deux mois de la Semaine pour l’emploi. Le Conseil d’Administration de l’Agefiph doit se réunir prochainement pour traiter la situation.
Laquelle est bien plus grave pour le Fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) dont l’existence même est menacée. Créé par la loi de février 2005, sa gestion a été confiée à la Caisse des Dépôts et Consignations qui l’a décentralisée à Bordeaux alors que la présidente de son Comité National est basée à Paris… Dans un pays aussi centralisé que la France, cela s’est rapidement transformé en un gigantesque handicap. Ajoutez à cela des divergences de points de vue entre les différents acteurs réunis au sein de son Comité National, un fonctionnement rigide ainsi que des querelles de personnes, et vous obtenez un organisme en déshérence. La crise a couvé durant de nombreux mois, débouchant sur la démission du directeur en juin et au limogeage de la présidente du comité national la veille du 15 août. Avec une trésorerie estimée à 150 millions d’euros d’ici la fin de l’année, le FIPHFP suscite déjà des convoitises, comme naguère le « trésor de guerre » de l’Agefiph à la fin des années 1990 : l’association avait alors lancé un programme exceptionnel d’interventions pour liquider ses importantes réserves financières et éviter qu’elles ne soient récupérées par l’Etat pour combler le déficit des régimes sociaux. Elle s’en était tiré en garantissant un emprunt de 750 millions de francs contracté par l’Unedic.
Le sort du FIPHFP sera, on le sait d’ores et déjà, bien différent. Le ministre des comptes publics, Eric Woerth, et le secrétaire d’Etat à la fonction publique, André Santini, ont pris la décision de suspendre en 2008 la collecte des contributions dues par les administrations qui n’atteignent pas le quota d’emplois de 6 % de travailleurs handicapés. Certes, on peut comprendre que les administrations vivent plutôt mal de verser à fonds perdus de l’argent qui leur serait bien utile en cette période de restrictions budgétaires. On note d’ailleurs que cela placera le ministère de l’éducation nationale dans une situation délicate puisqu’il devra financer sur son budget propre la totalité des 16.000 auxiliaires de vie scolaire dont une partie de l’effectif est payée grâce à l’affectation de la contribution au Fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées. Mais le danger est plutôt dans la proposition des deux ministres d’élargir la vocation du Fonds fonction publique à d’autres missions que l’emploi au sein des administrations nationale, locales et hospitalière.
Reste que ces crises interviennent sans susciter la moindre réaction publique des associations de défense des intérêts des personnes handicapées qui y siègent. Aucun communiqué, aucune déclaration, aucune information des usagers qu’elles sont censées défendre ! On n’aurait rien su de la déconfiture du FIPHFP si le syndicat Force Ouvrière ne l’avait dénoncée publiquement. Pourtant, et dans les deux Fonds, les associations revendiquent une place égale à celle des syndicats de salariés ou patronaux, place que ces derniers leur ont toujours contestée comme en témoigne l’alternance entre représentants syndicaux ou patronaux à la présidence de l’Agefiph. Pour ces organisations, le paritarisme se réduit à elles seules et elles n’entendent pas jouer en trio avec les associations de personnes handicapées. Au sein du Fonds de la fonction publique, les représentants de l’Etat et des autres fonctions publiques remplacent les syndicats patronaux dans ce tango laborieux. Réduites à un rôle d’observateur dont elles sont incapables de sortir, les associations de personnes handicapées siégeant dans les deux Fonds sont réduites à un rôle d'(in)utilité dont on se demande si, finalement, il n’est pas à leur convenance…
Laurent Lejard, septembre 2007.