À l’Assemblée nationale et au Sénat, le Gouvernement a rejeté l’amendement « centres relais téléphoniques » proposé lors de l’examen parlementaire du projet de loi relatif au développement de la concurrence. Cet amendement visait à garantir aux personnes sourdes ou malentendantes l’accès au téléphone par la mise en place de centres relais, ces centres ayant pour mission d’assurer l’accessibilité simultanée des échanges téléphoniques par la transcription écrite, via le clavier de l’ordinateur, ou par une interprétation en Langue des Signes, ou un codage en langage parlé complété, par webcaméra. Ces centres relais téléphoniques, qui fonctionnent déjà dans d’autres pays, permettent aux personnes sourdes d’avoir des conversations téléphoniques en temps réel avec n’importe quel interlocuteur entendant. Avec de tels centres, c’est toute leur vie personnelle, sociale et professionnelle qui s’en trouve révolutionnée et leur place dans leur société confortée. Ainsi, depuis plusieurs années, les États-Unis ont fait le choix d’un véritable droit au téléphone pour les personnes sourdes en inscrivant l’accessibilité téléphonique dans la loi et en lui assurant un financement par une taxe d’environ 2$ par an sur l’ensemble des factures téléphoniques.
L’amendement proposait donc un financement similaire par une contribution prélevée sur l’ensemble des factures de communications électroniques (téléphonie fixe, mobile et internet haut débit). En France, en prévoyant par exemple une contribution d’1€ par an (8 centimes d’euros par mois) sur l’ensemble de ces factures, c’est un fonds de plus de 100 millions d’euros annuels qui pourrait être constitué. Déposé à l’Assemblée nationale par Marie-Anne Montchamp, députée U.M.P et ancienne Secrétaire d’État aux personnes handicapées, cet amendement avait été retiré puis repris en séance par l’opposition avant d’être déposé à nouveau au Sénat par le groupe socialiste.
En refusant cette proposition, le Gouvernement a laissé passer l’opportunité de garantir aux personnes sourdes ou malentendantes leur autonomie face au téléphone et dans leur vie quotidienne. La loi du 11 février 2005 prévoit justement que les relations avec les services publics doivent être accessibles aux personnes sourdes (article 78), ainsi que les sites de communication publique en ligne (article 47), donc sous la responsabilité de la puissance publique et impliquant cette accessibilité téléphonique. Alors que l’application de ces dispositions ne fait même pas l’objet d’un début de commencement, malgré les engagements réitérés des différents ministres qui se sont succédés depuis la promulgation de la loi, le Gouvernement a adopté une étrange position en rejetant l’amendement, sans doute davantage soucieux de ne pas importuner les opérateurs téléphoniques plutôt que de répondre aux aspirations d’une population qu’il semble juger marginale. Le ministre Chatel indiquait en séance, pour justifier sa position, qu’il était nécessaire « d’évaluer la réalité de la demande pour de tels centres ». Entre autres arguments peu crédibles, il a également rejeté la proposition de financement en jugeant qu’elle était injuste car certains paient plusieurs abonnements et d’autres un seul.
Nous prenons toutefois acte de l’engagement du Gouvernement à utiliser la voie réglementaire pour créer les centres relais, bien qu’aucun calendrier ne soit aujourd’hui précisé. Lorsque l’on sait l’impact de l’accessibilité téléphonique sur l’emploi des personnes sourdes, tant l’accessibilité du téléphone est indispensable à l’insertion professionnelle, mais également sur l’emploi en général car ces centres relais mobiliseraient un nombre conséquent de professionnels, la position du Gouvernement est curieuse à l’heure où il prône le « travailler plus pour gagner plus ».
Quant au décret sur l’accessibilité des appels d’urgence prévue par la loi du 11 février 2005, un an après sa présentation devant le Conseil National consultatif des Personnes Handicapées, il n’est toujours pas publié au Journal Officiel. Le Ministre de l’Intérieur de l’époque l’avait retoqué, le jugeant compliqué à mettre en oeuvre. Attend-t-on qu’un drame se produise pour que l’on se pose la question du droit à la sécurité et aux secours pour les personnes sourdes ou malentendantes ?
Le traitement de ces sujets, comme l’amendement exonérant l’Éducation nationale de sa contribution au Fonds d’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique, rend illisible la volonté réelle du Gouvernement de poursuivre la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005. Dans les prochains jours, l’Unisda saisira la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité et alertera la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme sur cette inégalité face au téléphone dont personne aujourd’hui ne songerait à se passer.
Jérémie Boroy, président de l’Unisda, décembre 2007.
Texte de l’amendement, compte-rendu intégral des débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat, documentaire de France 5 sur les centres relais téléphoniques des Etats-Unis.