Depuis 1947, la Sécurité Sociale vise, par des prestations en espèces ou en nature, à annihiler ou à réduire les conséquences économiques générées par un événement de la vie. Pour le risque famille, l’attribution d’allocations pour compenser les dépenses supplémentaires occasionnées par l’arrivée d’un ou plusieurs enfants. Pour le risque vieillesse, l’attribution d’une retraite pour les personnes qui ne peuvent plus, par leur force de travail, obtenir les ressources nécessaires à subvenir à leurs besoins fondamentaux. Pour le risque maladie, le remboursement des médicaments, des frais médicaux de toute nature et, par exemple, l’accès à des prestations de rééducation professionnelle pour les personnes qui ne peuvent plus exercer leurs anciens métiers du fait des conséquences d’un problème de santé.

Le concept de ce système est construit sur trois axes forts ; le risque, la sécurité, l’assurance. L’ensemble des prestations est accessible à tous les assurés sociaux ayant rempli les conditions pour l’ouverture des droits (durée de cotisations ou ayant droit). Toutefois, deux points saillants apparaissent dans le Code de la sécurité sociale mettant en lumière des priorités politiques claires et sans ambiguïté. Il s’agit des prestations d’Assurance Maladie portant sur des situations liées à la poursuite d’une activité professionnelle ou à la maternité. Dans ces deux cas, toute personne se voit attribuer automatiquement, dès le premier jour de sa prise en charge par un établissement, le statut d’assuré social avec des droits ouverts et immédiatement effectifs. Des dispositions qui mettent en lumière des valeurs fortes et reconnues collectivement comme essentielles.

Pourtant, pour la première fois, des personnes reconnues travailleurs handicapés et bénéficiaire d’une notification d’orientation vers un établissement de rééducation professionnelle prononcée par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées sont dans l’incapacité de rendre ce droit effectif. En effet, la Direction Régionale du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP) d’Ile de France, en charge de la gestion de l’enveloppe rémunération stagiaires, demande aux établissements de ne pas accueillir les bénéficiaires car « la rémunération des stagiaires ne peut pas être assurée pour l’ensemble des parcours de formation ». De facto, sans rémunération, l’accès au dispositif de reclassement est rendu impossible.

Le dispositif de reclassement est constitué d’établissements de rééducation professionnelle dont le financement est assuré par l’Assurance Maladie à hauteur des agréments préfectoraux. Ces structures offrent, dans le cadre d’un accompagnement médico-psycho-social, des parcours formatifs dont la finalité est le développement de nouvelles compétences professionnelles et le retour à l’emploi des travailleurs handicapés. Ce dispositif est encadré par les Codes de la sécurité sociale, du travail, des affaires sociales et des familles, la loi du 2 janvier 2002 et celle du 11 février 2005, notamment. Ainsi, les décisions des CDAPH s’imposent aux établissements et la rémunération des travailleurs handicapés durant leur parcours de reclassement professionnel est due par l’Etat ou la Région dans des conditions précisées par l’article D.6441-26 du Code du travail crée par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 : « La rémunération due aux travailleurs handicapés privés d’emploi […] est établie sur la base du salaire perçu antérieurement. Elle est calculée selon la durée légale du travail fixée à l’article L. 3121-10 à partir de la moyenne des salaires perçus pendant la durée d’activité de six mois ou de douze mois considérés. Lorsque l’interruption du travail est antérieure depuis plus d’un an à l’entrée en stage, le salaire perçu dans le dernier emploi est affecté d’un coefficient de revalorisation correspondant aux majorations du salaire minimum de croissance au cours de la période considérée ».

Actuellement, la rémunération minimum est de 652,02€ et le maximum 1.932,52€. D’évidence, et malgré le discours très volontariste sur le travail, des pressions s’exercent pour que ce type de rémunération disparaisse. Une aberration économique où d’un côté l’Assurance Maladie souhaite optimiser l’utilisation du dispositif financé et de l’autre, la DRTEFP demande de ne pas accueillir les personnes, même si des places restent disponibles dans les établissements car « la rémunération ne peut pas être assurée ». Situation ubuesque où l’incohérence l’emporte. L’article 26 de la loi du 11 février 2005 précise pourtant : « La mise en place d’une politique concertée permet de garantir le droit des personnes handicapées ».

Sauf à accepter que le travail ne soit plus une priorité pour les plus fragilisés de notre communauté, et à l’heure de la préparation de la Conférence Nationale du Handicap qui se tiendra le 10 juin 2008, il est urgent d’interpeller nos politiques.


Hervé Le Roch, Directeur Médico Social du Centre de Réadaptation de Coubert, établissement membre de la Fagerh, juin 2008.

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