En cette fin d’année, j’aimerais vous dire que tout va bien et que notre société a enfin pris en compte les besoins et la réalité de la vie des personnes handicapées mentales. Malheureusement, une fois de plus, les faits sont en contradiction profonde avec les intentions affichées à grand renfort de communication par nos dirigeants.
Le président de la République a annoncé la création de 50.000 places d’ici 2012, ce qui répond en grande partie aux besoins actuellement recensés. Mais, lorsqu’il s’agit des moyens mis en oeuvre, le tableau s’assombrit. En effet, les projets de loi de finances de l’Etat et de la Sécurité Sociale prévoient que ces établissements devront supporter une baisse inquiétante de leurs moyens, leurs budgets ne suivant pas l’inflation. Une mesure contradictoire qui risque de toucher en priorité les Etablissements et Services d’Aide par le Travail. L’Etat va lancer une étude sur leur modernisation et leur développement tout en prenant des mesures risquant d’aboutir à des réductions de leur budget. Cherchez l’erreur !
Dans le même registre, les lois de finances prévoient une augmentation de 1,6 % pour les salaires des professionnels du médico-social, soit à peine la moitié de l’inflation prévue en 2009. Et dans le même temps, le gouvernement annonce le lancement d’un plan métiers dans le secteur du handicap pour les rendre attractif ! Lorsqu’en plus, on assiste à des départs massifs à la retraite et qu’il est de plus en plus difficile de recruter, là aussi, cherchez l’erreur.
Le résultat prévisible de ces incohérences est que la qualité de l’accompagnement réalisé par les établissements chute, puisqu’ils ne seront plus en mesure de recruter des professionnels correctement formés. Pour les personnes handicapées, ces perspectives sont inquiétantes. Et ce n’est pas tout.
Dans le domaine de l’Allocation aux Adultes Handicapés, là aussi les évolutions font craindre le pire. Si le rythme d’augmentation de l’A.A.H correspond pour l’instant aux engagements pris, la mise en place d’une évaluation systématique des capacités professionnelles des demandeurs de cette allocation noircit le tableau. Le risque est de restreindre l’accès à cette prestation alors que parallèlement aucune mesure nouvelle n’est à ce jour prévue pour rendre effective l’insertion professionnelle des personnes concernées. Et dans le même temps, l’Etat ponctionne 50 millions d’euros à l’Agefiph sur des fonds devant servir à rémunérer 26.000 stagiaires handicapés. Pourtant, cet organisme présenté par le gouvernement comme l’acteur majeur de l’insertion professionnelle venait de signer une convention d’objectifs pour optimiser les politiques de formation professionnelle des personnes handicapées. Allez comprendre…
Enfin, dans le même registre, le récent débat sur le budget de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Près de 15% des crédits de la cotisation de solidarité autonomie collectés en 2008 (292 millions d’euros) va être affecté au financement des places existantes ainsi qu’à assurer le financement des contrats de projets Etat-région, jusqu’à présent à la charge de l’Etat. Pourtant, ces fonds étaient censés permettre la création de places nouvelles. Ainsi, le budget de la C.N.S.A est victime du même effet que la vignette automobile initialement créée pour les personnes âgées, mais dont elles n’avaient jamais bénéficié. Cela remet en cause profondément les engagements qui avaient été pris par l’Etat lors de la création de la C.N.S.A, et nous ne pouvons que craindre que de tels agissements s’étendent à l’avenir au budget consacré aux personnes handicapées. C’est pourquoi, comme les autres associations, nous avons refusé de prendre part au vote d’une partie de ce budget. Nous ne pouvons admettre que les discours et les engagements soient en décalage profond avec la réalité, d’autant plus que ces incohérences s’appliquent aux citoyens de ce pays qui ont le plus besoin de la solidarité nationale.
Régis Devoldère, Président de l’Unapei, octobre 2008.